Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/253

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Un vieillard maigre et exténué se souleva en entendant ce mot, et son regard qui, tout en exprimant un abattement profond, brillait en ce moment d’un éclat plus vif que celui de son fils même, se fixa tour à tour sur Gelsomina et sur Jacopo.

— Tu n’as pas souffert comme je le craignais de ce changement soudain, mon père, continua Jacopo à genoux près du lit de paille. Tes yeux, tes joues, tous tes traits sont mieux que lorsque tu étais dans le caveau humide.

— Je suis heureux ici, répondit le prisonnier ; il y a de la lumière, quoiqu’on m’en ait donné trop. Tu ne peux te figurer, mon enfant, quelle joie on a de revoir ce jour, après une si longue nuit.

— Il est mieux, Gelsomina ! — Ils ne l’ont pas encore tué. Vois ! ses yeux sont brillants, ses joues sont animées !

— Ils sont toujours ainsi, répondit la jeune fille à demi-voix, après avoir passe l’hiver dans ces cachets humides et obscurs.

— As-tu des nouvelles à m’apprendre, mon fils ? — Que me diras-tu de ta mère ?

Le Bravo baissa la tête pour cacher l’angoisse que lui causait cette question, qu’il entendait alors pour la centième fois.

— Elle est heureuse, mon père ; — aussi heureuse que peut l’être une femme qui t’aime si tendrement, quand elle est séparée de toi.

— Parle-t-elle souvent de moi ?

— Ton nom est le dernier mot que j’aie entendu sortir de sa bouche.

— Que sainte Marie la bénisse ! J’espère qu’elle se souvient de moi dans ses prières !

— N’en doute pas, mon père. — Ses prières sont celles d’un ange.

— Et ta sœur malade ? — Tu ne m’en parles pas, mon fils.

— Elle se porte bien à présent.

— A-t-elle cessé de se reprocher d’être la cause innocente de mes souffrances ?

— Elle ne se le reproche plus.

— Ainsi elle ne se tourmente plus d’un malheur qui est sans remède ?

Le Bravo sembla chercher du soulagement dans l’œil compatissant de Gelsomina, qui restait pâle et muette.