Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/271

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Osée resta muet à la révélation de deux faits importants. Il avait communiqué à un étranger, peut-être à un agent de la police, ses soupçons sur les intentions du sénat relativement à donna Violetta ; et il venait de se priver du seul argument qu’il avait jamais pu employer avec succès contre les demandes d’emprunt de Giacomo Gradenigo, en lui disant à lui-même qu’il avait à sa disposition la somme précise qu’il demandait.

— J’espère que les traits d’une ancienne pratique ne nuiront pas à notre marché, Osée ? dit l’héritier dissipateur du sénateur de Venise, cachant à peine le ton d’ironie avec lequel il lui faisait cette question.

— Père Abraham ! si j’avais su que défait vous, signor Giacomo, cela aurait considérablement abrégé votre négociation.

— Oui, tu aurais prétendu que tu n’avais pas d’argent, comme tu l’as fait si souvent depuis quelque temps.

— Non, Signore, non ; je ne suis pas homme à me dédire de ce que j’ai avancé. Mais je ne dois pas oublier ce que je dois à Lévi. Le prudent Hébreu m’a fait faire vœu, au nom de notre tribu, que je ne placerais son argent qu’entre les mains d’un homme qui donnerait la plus ample satisfaction sur ses moyens de le rendre.

— Il aura toute assurance, puisque c’est toi qui l’empruntes pour me le prêter.

— Signore, vous mettez ma conscience à une rude épreuve. Vous me devez en ce moment environ six mille sequins, et si je vous prêtais cet argent de confiance, et que vous me le rendissiez, — deux propositions que je n’avance que sons forme de suppositions, — un amour naturel pour ce qui m’appartient pourrait me porter à mettre cette rentrée sur mon propre compte, en laissant courir le risque par la somme due à Lévi.

— Arrange tout cela avec ta conscience comme tu l’entendras, Osée. — Tu as avoué que tu as de l’argent, et voici des bijoux pour ta sûreté. — Maintenant les sequins.

Il est probable que le ton décidé de Giacomo Gradenigo aurait fait peu d’impression sur le cœur de roche du juif, qui avait le caractère ordinaire d’un homme proscrit par l’opinion ; mais étant revenu de sa surprise, il commença à expliquer au jeune patricien les craintes qu’il avait conçues relativement à donna Violetta, dont le mariage, il est bon de se le rappeler, n’était