Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/302

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naturelle ; et insensiblement, presque sans s’en apercevoir elle-même, elle apprit à la fille du geôlier la plupart des circonstances qui l’avaient conduite dans la prison.

Gelsomina pâlit en écoutant ce récit, et quand donna Violetta eut cessé de parler, tous ses membres tremblaient d’agitation.

— Le sénat a un pouvoir effrayant : comment oser lui résister ? dit-elle en parlant si bas qu’on pouvait à peine l’entendre. Avez-vous réfléchi sur les risques que vous courez ?

— Si je n’y ai pas réfléchi, il est trop tard maintenant pour le faire. Je suis épouse du duc de Sainte-Agathe, et je ne puis jamais être celle d’un autre.

— Jésus ! — c’est la vérité. — Et pourtant il me semble que j’aimerais mieux mourir dans un cloître que d’offenser le sénat.

— Tu ne sais pas, ma bonne fille, jusqu’où peut aller le courage d’une épouse, même à mon âge. — Tu es encore attachée à ton père, soumise aux habitudes de l’enfance et n’ayant reçu que les instructions de cet âge ; mais tu vivras assez pour apprendre que toutes les espérances de bonheur peuvent se concentrer sur un autre.

Gelsomina cessa de trembler, et son œil plein de douceur étincela.

— Le Conseil est terrible, dit-elle ; mais il doit être encore plus terrible d’abandonner celui à qui l’on a fait vœu d’amour et d’obéissance au pied des autels !

— As-tu quelques moyens pour nous cacher ici, ma fille, demanda donna Florinda, et pour nous aider à fuir plus loin en secret, quand ce moment de tumulte sera passé ?

— Aucun, Madame. À peine si je connais les rues et les places de Venise. Santissima Maria ! que ne donnerais-je pas pour connaître la ville aussi bien que ma cousine Annina, qui va, quand bon lui semble, de la boutique de son père au Lido, et de la place de Saint-Marc au Rialto ? — Je l’enverrai chercher, et elle nous donnera des conseils dans ce cruel embarras.

— Ta cousine ! — Tu as une cousine nommée Annina ?

— Oui, Madame ; la fille de la sœur de ma mère.

— Et dont le père est un marchand de vin nommé Tomaso Torti ?

— Les nobles dames de Venise connaissent-elles si bien leurs inférieurs ! — Ma cousine en sera très-flattée, car elle désire vivement être connue des grands.

— Et ta cousine vient-elle ici ?