Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/321

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supposée d’une amie, jusqu’à ce qu’elle ait pu reconnaître son illusion. Annina n’avait pas eu de peine à convaincre sa cousine que les deux dames auxquelles celle-ci avait donné un asile étaient des créatures méprisables ; mais en ce moment Gelsomina se trouvait avec un homme qu’elle croyait plus volontiers encore que personne au monde, et qui accusait ouvertement Annina. Dans une telle perplexité, la jeune fille troublée fit ce que son cœur et la nature lui suggérèrent : elle raconta promptement à voix basse au prétendu Carlo tous les incidents de la soirée et ce qu’Annina lui avait dit de la conduite des deux femmes qu’elle avait laissées dans la prison.

Jacopo l’écoutait avec tant d’attention que sa rame flottait sur l’eau.

— Il suffit, dit-il quand Gelsomina, rougissant de l’empressement qu’elle mettait à se justifier à ses yeux, eut fini de parler. Je comprends tout. — Méfie-toi de ta cousine, car le sénat même n’est pas plus faux.

Il parlait ainsi d’une voix ferme, quoique avec précaution. Gelsomina le comprit, quoique fort surprise de ce qu’elle entendait. Elle alla rejoindre sa cousine sous le pavillon, et la gondole continua à voguer, comme s’il ne fût rien arrivé.


CHAPITRE XXV.


C’est assez : je pourrais me livrer à la joie maintenant Hubert, Je l’aime. Je ne te dirai pas ce que je prétends faire pour toi ; mais souviens-toi…
ShakspeareLe roi Jean.


Jacopo n’ignorait aucun des détours de l’astuce vénitienne. Il savait avec quelle constance infatigable les Conseils, par le moyen de leurs agents, suivaient tous les mouvements de ceux dont ils avaient intérêt de connaître les démarches. Il était donc loin de se