Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/347

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adressé régulièrement à tous ceux que la chance lui avait associés dans l’inquisition pendant une longue vie, fut bien reçu, et on y répondit par de semblables compliments.

— Il paraîtrait que le digne signor Alexandre Gradenigo était un de nos prédécesseurs, continua-t-il en regardant quelques papiers ; — car, quoique les trois juges présents fussent inconnus à tout le monde, excepté à quelques secrétaires et officiers de l’État, la politique de Venise transmettait leurs noms à leurs successeurs ; — c’est un noble gentilhomme bien dévoué à l’État.

— C’est une affaire heureusement arrangée, répondit le plus âgé des Trois, qui avait depuis longtemps l’habitude de ne plus se rappeler tout ce que la politique voulait qu’on oubliât lorsque le but était atteint. Les galères ont besoin de bras, Saint-Mare doit porter la tête haute.

Le signor Soranzo, qui avait reçu quelque instruction préalable pour ses nouvelles fonctions, avait un air mélancolique ; mais il n’était aussi lui-même que la créature d’un système.

— Avez-vous des affaires importantes à nous communiquer ? demanda-t-il.

— Signore, nous avons toute raison de croire que l’État vient de faire une grande perte. Vous connaissez l’un et l’autre l’héritière de Tiepolo, du moins de réputation, quoique sa manière de vivre retirée vous ait tenus éloignés de sa société.

— Donna Giulietta fait un grand éloge de sa beauté, dit le jeune mari.

— Nous n’avons pas de plus belle fortune à Venise, dit le troisième inquisiteur.

— Toute belle et toute riche qu’elle soit, Signore, je crains que nous ne l’ayons perdue. Don Camillo de Monforte, que Dieu protège jusqu’à ce que nous n’ayons plus besoin de son influence ! a manqué de l’emporter sur nous. Mais au moment où l’État déjouait ses plans, la jeune dame est tombée par hasard entre les mains de mauvais sujets, et depuis ce temps on n’en a plus entendu parler.

Paolo Soranzo espéra secrètement qu’elle était dans les bras du Napolitain.

— Un secrétaire m’a communiqué la disparition du duc de Sainte-Agathe, observa un troisième, et la felouque que nous employons souvent pour des missions délicates n’est plus à l’ancre.