— Il y a longtemps qu’elles sont mortes, mon père !
— Pourquoi, Jacopo, ne me l’as-tu pas dit plus tôt ?…
— N’avais-tu pas assez de chagrin ? Maintenant que tu vas les rejoindre, il te sera doux d’apprendre qu’elles sont depuis longtemps heureuses.
— Et toi ?… tu resteras seul… Donne-moi ta main… Pauvre Jacopo !
Le Bravo s’approcha, et prit la main tremblante de son père ; elle était humide et froide.
— Jacopo, continua le captif dont l’âme soutenait le corps, j’ai prié trois fois depuis une heure : une fois pour le salut de mon âme, une seconde fois pour le repos de ta mère, et une troisième pour toi.
— Que Dieu vous bénisse, mon père ! que Dieu vous bénisse ! j’ai besoin de prières.
— J’ai demandé à Dieu qu’il t’accordât ses faveurs. — Je me suis rappelé — tout ton amour et tes soins, — tout ton dévouement à ma vieillesse et à mes souffrances. Lorsque tu étais un enfant, Jacopo, ma tendresse pour toi me porta à des actes de faiblesse. — Je tremblais que dans ton âge mûr tu ne m’en fisses repentir. — Tu ne peux connaître les craintes qu’un père éprouve pour son enfant ; — mais tu m’as récompensé de mes peines. — Agenouille-toi, Jacopo : — que je demande encore une fois à Dieu — de se souvenir de toi.
— Je suis à tes côtés, mon père.
Le vieillard leva ses faibles bras, et, d’une voix qui semblait recouvrer son ancienne énergie, il prononça une bénédiction solennelle et fervente.
— La bénédiction d’un père mourant, Jacopo, adoucira ton chagrin, ajouta-t-il après une pause, et donnera la paix à tes derniers moments.
— Elle produira surtout ce dernier effet, mon père.
Un coup bruyant frappé à la porte interrompit ces touchants adieux.
— Viens, Jacopo, dit un des gardiens, le Conseil t’attend !
Jacopo sentit son père tressaillir, mais il ne répondit pas.
— Ne te laisseront-ils pas quelques minutes de plus ? murmura le vieillard ; je ne te retiendrai pas longtemps.
La porte s’ouvrit ; un rayon de la lampe pénétra dans le cachot Le gardien eut l’humanité de la fermer encore, et Jacopo se