Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/396

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ferez bien de profiter du peu de temps qui vous reste, à moins que vous ne soyez déjà rassuré sur l’âme du condamné. Après avoir prononcé ces mots, l’officier jeta un coup d’œil sur le cadran de l’horloge de la place, et s’éloigna sans montrer la moindre émotion. Son départ laissa de nouveau le prêtre et le condamné seuls entre les colonnes. Il était évident que le premier ne pouvait encore croire à la réalité de l’exécution.

— N’as-tu plus d’espoir, Jacopo ? demanda-t-il.

— J’en ai en Dieu, mon père.

— Ils ne peuvent commettre cette injustice ! — J’ai confessé Antonio. — J’ai été témoin de sa mort. — Le prince le sait.

— Qu’est-ce que le prince, qu’est-ce que sa justice, quand c’est l’égoïsme de quelques hommes qui gouverne ?

— Je ne me permettrai pas de dire que Dieu perdra ceux qui commettent ce crime, car nous ne pouvons pénétrer dans les mystères de sa sagesse. Cette vie et tout ce que ce monde peut offrir ne sont que des atomes pour son œil qui voit tout, et ce qui nous paraît un mal peut conduire à un bien. — As-tu foi en ton Rédempteur, Jacopo ?

Le prisonnier appuya la main sur son cœur, et sourit avec cette calme assurance que personne ne peut éprouver s’il n’est soutenu par cette foi.

— Nous prierons encore, mon fils.

Le carme et Jacopo s’agenouillèrent à côté l’un de l’autre, ce dernier courbant sa tête sur le bloc, tandis que le moine faisait un dernier appel à la merci de la Divinité. Le condamné se releva ; mais le prêtre conserva son attitude suppliante, l’esprit tellement occupé de pieuses pensées que, oubliant ses premiers desseins, il était presque consentant à ce que le prisonnier allât jouir sur-le-champ du bonheur dont il sentait que l’espoir élevait son âme. L’officier des sbires et l’exécuteur s’avancèrent ; le premier toucha l’épaule du père Anselmo, et lui montra du doigt le cadran de l’horloge.

— L’instant approche, lui dit-il à voix basse plutôt par habitude que par ménagement pour le prisonnier.

Le carme se tourna par instinct vers le palais, ne songeant dans l’impulsion du moment qu’à ce qui avait rapport à la justice terrestre. Il vit quelques personnes aux fenêtres, et il s’imagina qu’on allait faire un signal pour arrêter le glaive homicide.