Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/64

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— Je n’ai pas besoin d’un sequin : ma visite a un motif plus noble.

— Parle donc sans hésiter.

Lorsque tous les obstacles furent levés, donna Violetta parut redouter de s’expliquer ; son visage changea de couleur, et elle chercha un encouragement dans les yeux de sa compagne attentive et surprise. Cependant comme cette dernière ignorait les intentions de la jeune fille, son visage ne pouvait exprimer que cette sympathie qu’une femme refuse rarement à une personne de son sexe lorsqu’elle paraît l’invoquer. Violetta combattit cette timide défiance ; puis riant de son peu de courage, elle dit avec fierté :

— Vous savez, signor Gradenigo, que je suis d’une famille distinguée depuis des siècles dans l’État de Venise ?

— Ainsi le dit notre histoire.

— Que je porte un nom connu depuis longtemps, et que je dois conserver pur de toute tache ?

— Cela est si vrai qu’il est presque inutile de le rappeler, répondit sèchement le sénateur.

— Et cependant, douée de la fortune ainsi que de la naissance, j’ai reçu un service qui n’est point encore récompensé d’une manière qui puisse faire honneur à la maison de Tiepolo.

— Cela devient sérieux. Donna Florinda, notre pupille est plus émue qu’intelligible, et c’est à vous que je dois demander une explication. Il ne convient pas qu’elle reçoive de qui que ce soit des services de cette nature.

— Quoique je ne sois pas préparée à la question que vous me faites, je répondrai que je crois qu’il est question de sa vie.

Le visage du signer Gradenigo prit une sombre expression.

— Je vous comprends, dit-il froidement. Il est vrai, ajouta-t-il en s’adressant à sa pupille, que le Napolitain vola à ton secours lorsque ton oncle de Florence eut le malheur de périr. Mais don Camillo de Monforte n’est point un gondolier du Lido pour être récompensé comme celui qui retrouve une bagatelle tombée dans un des canaux. Tu as remercié le cavalier ; je crois que c’est tout ce qu’une noble fille peut faire dans une telle circonstance.

— Je l’ai remercié de toute mon âme, il est vrai ! s’écria Violetta avec une espèce de ferveur ; lorsque j’oublierai ce service, que la vierge Marie et les saints m’oublient à mon tour !