Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/119

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habitude avait appris à la confrérie de Limbourg à ne rien négliger de ce qui lui paraissait nécessaire dans l’administration de ses fonctions terrestres. Il y avait de l’habileté jusque dans les sons réguliers de la cloche ; les sons succédaient tristement aux sons, et il n’y avait pas un seul vallon silencieux à plusieurs milles à la ronde où cet appel religieux ne pénétrât. On entendait aussi les cloches de Duerckheim, et de l’immense plaine qui était au-delà ; mais aucune ne s’élevait dans l’air, et ne parvenait aux oreilles avec tant de douceur et de mélancolie que celle de l’abbaye de Limbourg.

Obéissant à ce signal, tous les habitants de la vallée se dirigèrent vers les portes du couvent. On voyait aussi une foule lointaine dans le défilé ; car, dans de semblables occasions, la dévotion, la superstition ou la curiosité ne manquaient jamais d’attirer la multitude dans l’église célèbre de Limbourg. Il y avait parmi cette foule des sceptiques et des croyants, des jeunes gens et des vieillards, de belles filles et des femmes qui jugeaient prudent de dérober sous le voile leur visage de matrone ; il y avait aussi des oisifs, des demi-convertis à la religion de Luther, et des amateurs de musique. Un des religieux avait l’habitude de prêcher lorsque la messe était terminée, et Limbourg avait beaucoup de moines habiles dans les subtilités du temps ; quelques-uns d’entre eux étaient même renommés par leur éloquence.

Avec une habileté et une coquetterie qui entrent dans presque toutes les inventions humaines lorsqu’elles doivent agir sur nos sens, particulièrement sur des matières où l’on ne juge pas prudent de se confier à la seule raison, on agita longtemps les cloches dans l’intention de produire de l’effet. Les groupes arrivèrent les uns après les autres, et la cour de l’abbaye se remplit lentement, jusqu’à ce qu’il y parût enfin une congrégation assez nombreuse pour satisfaire l’amour-propre d’une paroisse de notre époque. Il s’échangea beaucoup de graves salutations entre les différentes dignités assemblées en ce lieu ; car de tous ceux qui ôtent leur bonnet par politesse, les Allemands sont peut-être les plus ponctuels et les plus respectueux. Comme la ville voisine était complètement représentée dans cette assemblée de dévots et de curieux, il y avait aussi un étalage convenable des égards qui sont dus au rang. Un héraut aurait pu prendre d’utiles leçons s’il avait été là pour noter tous les différents degrés d’hommages