Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/131

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femmes de notre vallée avaient quelque pouvoir à Rome. Comment se porte le saint abbé ce matin, et les deux soutiens de cette communauté, les frères Siegfried et Cuno ?

— Vous les avez vus ce matin dans leurs stalles pendant la sainte messe.

— De par Dieu ! ce sont de dignes compagnons ! Crois-moi, mon frère, il n’y en a pas de meilleurs dans notre gai Palatinat ; il n’y a pas d’hommes non plus que j’estime davantage suivant leurs mérites ! As-tu entendu parler, révérend prieur, de leur visite à Hartenbourg, et de leur œuvre suivant la chair ?

— Les dispositions de votre esprit ont promptement changé, comte Emich, et c’est dommage qu’il en soit ainsi. Je ne suis point venu ici pour écouter le récit des excès commis dans votre château, ni des oublis de ceux qui, s’étant voués à de meilleures choses, trahissent qu’ils sont simplement des hommes.

— Et des hommes robustes, s’il y en a dans tout l’empire ! Si je ne prisais ma réputation tout comme un autre, je te compterais le nombre des flacons qui, suivant mon sommelier, ne valent pas mieux que des gens d’armes tombés dans une déroute ou dans un assaut.

— Cet amour du vin est une malédiction pour notre siècle et notre pays ; je souhaiterais qu’il n’entrât plus de cette perfide liqueur dans les murs de Limbourg !

— Par la justice de Dieu ! révérend prieur, tu trouveras, en effet, à l’avenir que la quantité en sera diminuée, répondit Emich en riant ; car les vignes disputées ont enfin trouvé un seul, et, comme tu pourrais le dire toi-même, ayant souvent lu au fond de mon cœur par mes confessions, un plus digne maître. Je puis te jurer, sur l’honneur d’un gentilhomme, que pas un des tonneaux que tu condamnes ne fera à l’avenir violence à tes goûts.

Le comte jeta un regard triomphant sur le moine, espérant que, malgré ses principes de modération, quelques signes de regret se manifesteraient à la nouvelle de cette perte pour le couvent ; mais le père Arnolph était en réalité ce que son extérieur annonçait, un homme dévoué à son saint ministère, et sur lequel les intérêts humains avaient peu d’influence.

— Je vous comprends, Emich, dit-il avec calme et douceur. On n’avait pas besoin de ce scandale dans un tel moment pour porter préjudice à la sainte Église, à laquelle de puissants ennemis ont