Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/141

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pour dire la vérité, son visage ne sent pas souvent le piquant d’une barbe. Je ne suis point courtisan de son sexe, et il n’y a personne à Duerckheim qui puisse le prétendre.

— Que saint Denis me protége ! s’écria l’abbé. Quelle honteuse négligence de notre part ! Et il embrassa la douce Ulrike, puis répéta la même cérémonie avec sa fille. Tout cela se fit si précipitamment que tous ceux qui étaient présents n’eurent pas le temps de revenir de leur surprise. — Sire chevalier de Rhodes, nous ne jouons pas dans cette affaire un rôle digne d’hommes de naissance.

— Arrêtez, cousin de Viederbach, dit Emich en riant, en même temps qu’il plaçait une main devant son parent ; nous oublions que nous sommes dans la cour de Limbourg, et que ces saluts qui font tant de plaisir à nous autres mondains peuvent scandaliser de saints religieux. Nous allons remonter à cheval, et garder nos galanteries pour un temps plus convenable.

En ce moment, Berchthold parvint à réprimer un mouvement d’impatience, et il se détourna pour cacher son mécontentement et son chagrin.

Pendant ce temps, toute la société se préparait à monter à cheval. Quoique repoussé dans ses efforts pour obtenir un baiser de la jeune fille, qui avait si passivement reçu ces libertés de la part du comte et de l’abbé, le chevalier de Rhodes aida la demoiselle à monter en croupe derrière son père. Le comte de Leiningen rendit le même service à Ulrique, puis il jeta sa jambe pesante et bottée sur le vigoureux cheval de guerre qui piaffait dans la cour du couvent. Chacun imita son exemple, jusqu’aux serviteurs qui étaient en grand nombre, lorsqu’il fit un grave salut devant un Christ plus haut que nature, érigé en face de l’église. Alors toute la cavalcade quitta la cour.

Il y avait un grand nombre de curieux en dehors des portes, parmi lesquels on voyait une foule des plus humbles vassaux d’Hartenbonrg, rangés là par ordre de leur seigneur, dans le cas où une violence subite eût éclaté pendant la visite du comte à l’abbaye ; on y voyait aussi une multitude de mendiants.

— La charité, s’il vous plaît, noble Emich ! la charité, s’il vous plaît, digne et riche bourgmestre ! que Dieu vous bénisse tous les deux, et que saint Benoît intercède en votre faveur ; Nous avons faim et froid, et nous implorons la charité de vos nobles mains !