Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/154

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a voyagé au loin, et il jure tous les jours que la ville que tu habites n’a pas son égale pour l’étendue.

— Considérée comme une ville de montagnes de peu d’étendue, Monseigneur : nous ne rougissons pas à l’aspect des vieilles murailles de Duerckheim.

— Vous n’en avez pas besoin ; tu as dû faire attention que je ne parlais que de son étendue. M. Latouche est un gentilhomme qui vient de la capitale du roi François lui-même, et pas plus tard que ce matin il parlait de la propreté, de la richesse, et autres avantages qui sont remarquables, même pour un étranger, dans ton bourg prospère et bien administré.

Le bourgmestre reconnut le compliment par un profond salut ; le plaisir brillait dans ses yeux, car la flatterie, quelque visible qu’elle soit, est toujours bienvenue près de ceux qui aspirent aux honneurs publics. Emich savait bien que les louanges qu’on lui adressait sur la bonne administration et la police de Duerckheim étaient celles qui flattaient le plus l’amour-propre du bourgmestre Heinrich Frey.

— Le comte Emich me rend à peine justice, dit le subtil abbé, car j’y trouve bien d’autres causes d’admiration ; la déférence que la populace de cette ville a pour le rang, et la manière dont on y respecte le bien-être des riches est particulièrement digne d’éloges.

— Monsieur l’abbé a raison, comte Emich, car de toutes les villes d’Allemagne je crois qu’il n’en existe pas une dans laquelle les pauvres soient si bien instruits que dans notre Duerckheim à ne pas fatiguer les riches et les nobles de leurs importunités ; il me semble que monseigneur le comte a dû observer la sévérité de nos lois dans cette circonstance particulière.

— Personne ne les connaît mieux et n’y fait plus d’attention que moi. Je ne me rappelle pas, cousin Albrecht, qu’une seule demande désagréable m’ait été adressée dans cette ville. Mais je vous empêche de vous rafraîchir, mes dignes amis. Mettez-vous à votre aise, nous nous retrouverons lorsque nous le désirerons.

Le chevalier et l’abbé prirent cette invitation pour un désir que le comte éprouvait de se trouver seul avec le bourgmestre, et quittèrent aussitôt l’appartement. Lorsqu’il fut seul, Emich prit de nouveau Heinrich Frey par la main, et le conduisit vers une partie du château où personne n’entrait jamais sans être