Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/159

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maris et pères, seigneur comte, et des hommes qui portent un pesant fardeau d’autorité, et nous devons craindre qu’en jetant de côté une partie de ce fardeau, on ne trouve sur nos épaules la place pour en mettre un plus lourd encore. Lorsque je veux parler de votre vif attachement pour notre ville, il y a des langues médisantes qui me questionnent sur ses fruits et sur vos honorables intentions en notre faveur.

— Pour tout cela, tu ne dois pas manquer de réponses. Ne t’ai-je pas souvent entretenu des bons souhaits que je fais pour les citoyens ?

— Si des souhaits pouvaient servir nos intérêts, les habitants de la ville auraient droit aux plus hautes faveurs ; lorsqu’il s’agit d’attendre avec patience des succès, Anvers elle-même ne vaut pas Duerckheim !

— Tu prends mal mes paroles ; ce qu’Emich d’Hartenbourg désire pour ses amis, il trouve le moyen de l’accomplir ; mais nous ne troublerons pas notre digestion, puisque nous sommes sur le point de nous mettre à table, par ces détails fatigants.

— Je vous en prie, seigneur comte, ne doutez pas de mes intentions… Peu de choses me troublent quand…

— Tu céderas à ma fantaisie. Quoi ! le comte de Leiningen n’est-il pas maître dans son propre château ? je n’entendrai pas un mot de plus jusqu’à ce que tu aies fait honneur à ma pauvre hospitalité. Mes valets ont-ils fait hier ce que je leur avais commandé, et t’ont-ils porté le chevreuil qui était tombé sous mes propres coups, Heinrich ?

— Un million de remerciements, seigneur ; ils vous ont obéi. J’ai donné aux coquins un sou d’argent pour leur peine, et la poussière du Jaegerthal fut lavée par de fréquentes libations de notre vin de la plaine.

— C’est bien : entre amis il ne faut point de réserve en fait de politesses, dit Emich en se levant. Ne penses-tu pas, bourgmestre, à chercher parmi les jeunes gens de Duerckheim un fils qui devienne dans la suite l’appui de ta vieillesse ? Meta a atteint l’âge où les filles deviennent avec joie des femmes.

— La jeune fille n’ignore pas son âge, et la recherche d’un mari convenable me donne tous les embarras qui accablent un père à une pareille époque. Je ne prétends pas comparer nos conditions et notre jeunesse en rien qui soit irrespectueux pour les nobles