Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/166

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courtois, s’inclina avec un respect suffisant, quoique par ses manières il fût évident que l’impatience commençait à le gagner et qu’il désirait connaître le motif réel de cette interruption.

— Nous sommes trop satisfaits de vous recevoir pour nous rappeler les usages et nos droits comme hommes, répondit le comte avec une douceur qui lui était inspirée par les grâces et les qualités de celle à qui il s’adressait. Parlez-nous sincèrement, personne n’est plus porté que moi à vous écouter.

— Tu entends, bonne Ulrike ; le comte se rappelle que tu es la compagne d’un bourgmestre, et, comme il vient de le dire, nous sommes véritablement impatients de connaître le motif de ta visite.

Ulrike reçut cet encouragement en femme qui est habituée, sous quelque rapport, à être traitée comme étant inférieure à son mari en force et en capacité, et qui ressent cependant une humiliation peu méritée. Elle sourit (et peu de femmes, même dans tout l’attrait de la première jeunesse, ont une expression aussi douce qu’Ulrike lorsqu’elle souriait, soit de plaisir, soit de mélancolie) ; elle sourit, non pas sans tristesse, et parla du but de sa visite, mais avec la réserve prudente d’une femme plus habituée à influencer les actions de son mari qu’à censurer sa conduite.

— Personne n’est plus reconnaissant que moi, dit-elle, de la condescendance que m’accorde monseigneur par égard pour Heinrich Frey. Si je l’ennuie maintenant des affaires d’une famille qu’il a déjà accablée de tant défaveurs…

— D’amitiés, bonne Ulrike.

— D’amitiés donc, noble comte, puisque vous me permettez de me servir de ce terme ; mais si je parais oublier les convenances en vous entretenant d’une affaire si éloignée de vos intérêts, c’est que j’ose croire que vous aurez égard à la tendresse d’une mère, et que je pense à la noble Hermengarde dont l’anxiété pour son enfant peut fournir quelque excuse à celle que je ressens pour la mienne.

— Serait-il arrivé quelque malheur à la belle Meta ?

— Dieu de ma vie ! s’écria Heinrich effrayé en abandonnant son siège d’honneur dans son alarme paternelle. Les anguilles trop grasses du Rhin ont-elles rendu la jeune fille malade ? ou la longueur de la messe de ces maudits moines lui a-t-elle donné la fièvre ?