Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/197

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avec si peu d’efforts qu’il sembla à l’imagination de son amie exaltée que sa taille grandissait par des moyens surnaturels. Puis, levant les bras au ciel, elle donna carrière à ses sentiments.

— Ulrike, tu connais mon cœur, dit-elle, toi qui es la sœur de mon affection, sinon de mon sang ; toi à qui aucune de mes pensées d’enfant, aucun de mes sentiments de fille ne furent cachés. Mon esprit n’était qu’un miroir du tien, réfléchissant chaque souhait, chaque impulsion, chaque désir. Toi qui sais combien Berchthold m’est cher, tu peux dire que lorsque le ciel me ravit son père, les devoirs seuls d’une mère m’engagèrent à vivre ; que pour lui j’ai supporté l’adversité sans murmures ; souriant lorsqu’il souriait, me réjouissant lorsque la légèreté de la jeunesse le portait à se réjouir ; et que, puisque j’ai vécu pour lui, je pourrais mourir. Tu peux encore dire, Ulrike, que je ne cédai pas avec plus de délice et de confiance à mes jeunes et innocentes affections, que je n’ai vu naître avec joie la tendresse de mon fils pour Meta. Et cependant, je le déclare en présence de Dieu et de ses œuvres, avant qu’un de mes souhaits rebelles aide le comte Emich dans ses projets, il n’y a aucun chagrin terrestre que je ne reçoive avec joie, aucune humiliation que je puisse craindre !

La pieuse Lottchen retomba sur son siége, pâle, tremblante, épuisée par un effort si peu habituel. Elle n’avait jamais possédé la rare beauté de son amie, et les attraits que le temps lui avait laissés avaient cruellement souffert du chagrin et de la pauvreté. Cependant lorsqu’elle fut assise, et que son visage fut empreint de cette inspiration causée par le zèle respectueux qu’elle ressentait pour son Créateur, Ulrike pensa qu’elle ne l’avait jamais vue aussi belle. Les yeux de cette dernière s’animèrent aussi, car, dans ces moments d’élévation morale, elles ne songeaient ni l’une ni l’autre à des intérêts mondains, et son plus grand désir était que le comte d’Hartenbourg pût être témoin de ce triomphe sur l’égoïsme. Son propre refus, quoique exprimé presque dans les mêmes paroles, résultat naturel de leur union, semblait dépourvu de mérite ; car que signifiait le simple refus d’une personne riche et honorée, comparé à cette élévation d’âme qui portait Lottchen à ne point vouloir sortir par une faute de cette pauvreté qu’elle connaissait déjà si amèrement ?

— Je n’attendais pas moins de toi, lui dit Ulrike lorsque l’émo-