Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/257

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de vains efforts pour détourner son regard de l’image divine ; voilà trop longtemps que leur joug pèse sur ceux qui valent mieux qu’eux.

Berchthold inclina la tête.

— Ne vois-tu rien d’étrange, jeune homme, dans cette figure de Marie ?

— C’est une charmante peinture, seigneur comte, et ses traits sont enchanteurs.

— On dirait qu’elle regarde cette scène de violence d’un air de courroux !

— C’est l’ouvrage d’un artiste habile, mon cher maître, et sa figure ne saurait avoir d’autre expression que celle qu’il lui a plu de lui donner.

— Le crois-tu, Berchthold ? on prétend cependant qu’on a entendu des images parler, quand telle était la volonté du ciel.

— Il y a des légendes qui le disent, seigneur Emich, mais ce sont de ces choses qui n’arrivent jamais à ceux qui ne sont pas disposés à les voir.

— Et pourtant mon père y croyait, et c’est dans cette croyance que j’ai été élevé moi-même !

Berchthold garda le silence. Son éducation plus récente avait été plus en rapport avec les opinions dominantes de l’époque.

— Nous pouvons croire du moins, continua Emich, que Dieu a le pouvoir de surpasser la nature.

— Oui, seigneur comte : mais est-ce nécessaire ? celui qui a créé la nature peut s’en servir à son gré.

— Ah ! tu ne crois pas aux miracles, enfant !

— Je suis moi-même un miracle qui me rappelle à chaque instant l’existence d’une puissance supérieure, et je m’incline devant elle. Mais je n’ai jamais eu le bonheur d’entendre une image parler ni faire rien de ce qui appartient au libre exercice de la volonté.

— Par les os de mon père ! tu pourrais tenir tête à l’esprit le plus retors qui soit sous un capuchon ! Allons, braves amis ! s’écria-t-il en se tournant vers les gens de sa suite, ne laissez aucun vestige des abominations qui se sont commises si longtemps dans cette enceinte exécrable !

— Seigneur comte ! dit vivement Berchthold en touchant son manteau dans l’excès de son zèle, voilà les bénédictins !