Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/281

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donc, au nom du ciel ! et ne craignez rien ; vous êtes en sûreté parmi nous.

La voix du bourgmestre était moins ferme en finissant. Le bénédictin avait porté la main à son capuchon, et, le rejetant en arrière, il venait de montrer les traits vénérés du père Arnolph.

— Quand on vient pour le service de celui qui est mon maître, on n’a pas besoin de cette assurance, répondit le moine. Cependant je ne m’en réjouis pas moins de vous voir dans ces dispositions, plutôt que déterminés à soutenir une première faute par de nouveaux outrages. Il n’est jamais trop tard pour reconnaître nos erreurs, ni même pour les réparer.

— Je vous demande pardon, saint prieur ; nous vous avions pris pour un tout autre membre de votre communauté ; maintenant que nous savons qui vous êtes, nous ne vous en disons qu’avec plus de plaisir : Soyez le bienvenu !

Heinrich se leva, et tous ceux qui étaient présents en firent autant. Cette marque de déférence parut toucher le prieur ; une légère nuance de satisfaction, telle que celle que procure une bienveillante espérance, se peignit sur ses traits. Avec une simplicité parfaite, il accepta le siège qui lui était offert, comme le moyen le plus naturel d’engager les bourgeois à reprendre leurs places. Son exemple produisit l’effet qu’il en attendait.

— J’affecterais une indifférence que je suis loin d’éprouver, si je vous disais, Heinrich Frey, que je viens parmi vous, à qui j’ai souvent administré les sacrements de notre sainte Église pendant de longues années de veille, sans désirer que le souvenir de mon ministère ne soit pas entièrement effacé.

— S’il y avait dans Duerckheim quelqu’un d’assez vil pour n’avoir pas été sensible à vos bonnes œuvres, père Arnolph, il faudrait que le malheureux n’eût pas d’entrailles, il serait indigne de vivre parmi d’honnêtes gens.

— C’est vrai ! s’écria le forgeron dans un bruyant aparté ; le bourgmestre nous rend justice ! jamais je n’ai battu le fer avec plus de plaisir que je ne rends hommage au très-révérend prieur. L’efficacité de ses prières est reconnue, et, après celles de l’ermite, il n’en est point de plus vénérées parmi nous. Remplissez-moi une abbaye de pareils hommes, et quant à moi je leur confierai en toute assurance le soin de mon salut, et je n’y penserai plus. Saperment ! s’il pouvait exister une communauté semblable,