Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/291

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sans tarder. Nous aurions dû penser, mes chers collègues, à la possibilité de cette visite, et donner des ordres pour que notre noble ami ne fût pas exposé à ce désagrément. Mais, d’un autre côté, nous devons nous réjouir que nos chers camarades observent si fidèlement leur consigne, et qu’ils poussent le scrupule jusqu’à ne vouloir point faire d’exception pour un personnage si connu et si honoré. C’est que, voyez-vous, ils n’agiraient pas autrement envers l’empereur lui-même…

Heinrich fut interrompu dans son panégyrique de la milice urbaine par le bruit que faisaient des pas de chevaux ; et, en regardant par la fenêtre, il vit Emich et tout son cortège qui mettaient pied à terre.

— Allons ! dit le bourgmestre, allons recevoir monseigneur le comte.

Le conseil attendit dans un profond silence l’arrivée de leur noble allié. Emich entra dans la salle avec la démarche hardie d’un supérieur, et le front couvert d’un nuage. Il rendit aux bourgeois leurs salutations, fit signe à sa troupe d’attendre à la porte, et se dirigea vers le siège que Heinrich venait de laisser vacant, et qui, par le fait, était le trône de Duerckheim. Il s’installa dans le fauteuil, de l’air d’un homme qui était habitué à l’occuper, puis, inclinant de nouveau la tête, il fit un geste de la main, que les bourgeois interprétèrent comme une invitation à s’asseoir. Les conseillers stupéfaits obéirent. Heinrich ne paraissait pas moins surpris ; mais, accoutumé à avoir une grande déférence pour son noble ami, il rendit le salut et le sourire, car il fut honoré, lui, d’un sourire tout particulier, et il prit la seconde place.

— Ce n’est pas bien, mes dignes bourgeois, de me fermer ainsi vos portes, commença le baron ; il y a des droits et des devoirs qu’il faut savoir respecter dans tous les temps, et je m’étonne qu’un comte de Leiningen soit obligé de le rappeler aux habitants de Duerckheim. Comment ! nous nous voyons retenus, ma suite et moi, à vos barrières, comme si nous étions une troupe de vagabonds, ou bien de ces soldats mercenaires qui vendent leurs lances et leurs arquebuses au plus offrant !

— S’il y a eu quelque peu de délai, seigneur comte… répondit Heinrich…

— Quelque peu, bourgmestre ! et croyez-vous que le temps