Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/355

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ments où il était naturellement sensible, et la douleur qu’éprouvait Meta de la mort de Berchthold le touchait au point qu’il aurait été porté à dire qu’il regrettait le sort de son jeune lieutenant autant pour elle que pour lui. Il est plus que probable néanmoins que si Berchthold avait pu subitement être rendu à la vie, le bourgmestre serait revenu à sa première manière de penser, et aurait trouvé que la résurrection du jeune forestier suffisait seule pour consoler toute la famille.

Heinrich et le comte furent des premiers à quitter leur attitude de suppliants devant la châsse. Ils avaient répété l’un et l’autre le nombre de prières exigées, et, essuyant leurs genoux, les deux pèlerins s’éloignèrent et s’enfoncèrent sous les ailes de l’église comme des hommes très-satisfaits d’eux-mêmes. Mais en même temps qu’il était si prompt à donner du repos à ses membres, le bourgmestre arrêtait un œil vigilant sur Dietrich, qui, étant un pénitent payé, devait, selon lui, en donner à Duerckheim pour son argent en fait de mortifications et d’Ave. Presque toutes les lumières du chœur avaient été éteintes, et les ailes de l’édifice n’étaient visibles qu’à la lueur de quelques bougies éparses qui brûlaient presque constamment devant les autels de différentes petites chapelles. En se dirigeant vers la nef, Emich posa lentement la main sur l’épaule de son compagnon, semblant l’inviter par la gravité de son geste à lui prêter toute son attention.

— Je voudrais de tout mon cœur, dit le comte, obtenir de ces serviteurs de Notre-Dame-des-Ermites des messes pour l’âme de notre pauvre Berchthold. Si les prières ont quelque pouvoir, il me semble que c’est parmi des hommes qui possèdent un trésor comme cette châsse dont on raconte tant de miracles.

— Votre vœu, noble frère pèlerin et ami, est aussi le mien ; pour avouer la vérité, je n’ai guère pensé à autre chose pendant que je débitais mes Ave, qu’à trouver les moyens de persuader le saint abbé, moyennant un prix raisonnable, de changer ses opinions, afin que l’âme du jeune homme profite de ses prières.

— Tu ne t’es pas trop occupé, l’ami Heinrich, de ce que tu as à faire ici, à ce qu’il paraît !

Saperment ! qu’attendez-vous donc, seigneur Emich, d’un homme de mon âge et de mon état ? À force de répéter les mots, on finit par les savoir par cœur ; et lorsque je dis mon chapelet, mes doigts roulent simplement sur les grains et mes yeux sont