Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/361

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mais il était accompagné, comme nous l’avons dit, de circonstances positives qui s’adressaient aux sens d’une manière incontestable. Les deux chiens favoris du forestier manquaient depuis quelques semaines ; des cris ressemblant aux leurs avaient été entendus au milieu de la forêt, et remplissaient les échos des montagnes.

Cette confirmation extraordinaire du conte du paysan eut lieu pendant la semaine qui précéda le retour des pèlerins. Ces derniers trouvèrent leurs compatriotes exaltés par ces récits, car le jour même presque la moitié de la population de Duerckheim s’était rendue dans le défilé de Haart, que nous avons décrit dans le premier chapitre de cet ouvrage, et avait entendu de ses propres oreilles les bruyants aboiements des chiens. Ce fut seulement après les premières félicitations sur le retour des pèlerins et pendant la nuit qui suivit ce retour, que les voyageurs connurent cette circonstance extraordinaire. Emich l’apprit néanmoins avant d’avoir atteint les portes de son château.

Le jour suivant, Duerckheim présentait un tableau aussi animé que confus. La population était heureuse du retour de ses plus chers et plus notables citoyens, mais troublée de la circonstance merveilleuse relative aux chiens, et des bruits étranges qui l’accompagnaient, bruits qui à chaque heure prenaient une plus grande consistance par des détails qui les fortifiaient davantage, et qui arrivaient de différentes sources. De bonne heure dans la matinée un nouvel incident vint augmenter l’exaltation.

Depuis le moment où l’abbaye avait été détruite, pas un individu n’avait ose pénétrer dans ses murs chancelants. Deux paysans du Jaegerthal, excités par la cupidité, le tentèrent secrètement, mais ils revinrent avec d’étranges nouvelles sur les gémissements qu’il savaient entendus dans l’enceinte consacrée. Le bruit que fit cette histoire, joint au sentiment de vénération qu’on avait depuis si longtemps pour les autels de l’abbaye, avait garanti ce lieu de nouvelles invasions. L’alarme s’étendait jusqu’à l’Heidenmauer, car par une confusion d’accidents qui ne sont pas extraordinaires dans les rumeurs populaires, un récit d’Ilse, concernant le passage de troupes armées à travers les cèdres pendant la nuit de l’assaut, se mêlait à l’effroi général que causait ce lieu, et avait été tellement altéré et embelli, que l’ancien Camp avait été abandonné à sa solitude. Quelques-uns disaient que les esprits