Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Si l’abbé se rendait à un couvent de son ordre, ou s’il allait rendre visite à son chef spirituel de Spire, il n’y a pas de doute que de semblables animaux portant des provisions ne fissent partie de sa suite ; car, de tous les amateurs de la bonne chère, Wilhelm de Venloo, qui porte au couvent le nom de père Boniface, est celui qui vénère le plus les fruits de la terre. Je voudrais que lui et tous ses frères fussent spirituellement plantés dans le jardin d’Éden, ils seraient convenablement arrosés de mes larmes.

— Ton souhait a une odeur de sainteté ; mais il ne peut être accompli sans des secours charnels, à moins que tu ne sois en faveur auprès du prince de Cologne, et qu’il ne te rende ce service sous la forme d’un miracle.

— Tu plaisantes, chevalier, dans une affaire très-grave, répondit Emich brusquement ; car, malgré la haine héréditaire et mortelle qu’il portait à l’ordre de religieux qui contestait son pouvoir, le comte d’Hartenbourg avait, devant un savoir supérieur, toute l’humilité qui est la suite d’une éducation négligée. Le prince électeur, dit-il, a servi bien des nobles familles de la manière dont vous parlez, et il pourrait accorder cet honneur à des maisons qui le mériteraient moins que celle de Leiningen. Mais voilà l’abbé et ses dignes associés : que Dieu maudisse leur orgueil et leur avarice !

Le bruit du pas des chevaux avait augmenté graduellement, et on l’entendait alors sur le pavé de la première cour ; car, pour faire plus d’honneur à ses convives, le comte avait particulièrement recommandé qu’ils n’éprouvassent aucun délai aux portes, aux herses et aux ponts-levis.

— La bienvenue et mes respects, révérend abbé ! s’écria Emich, des lèvres duquel venait de sortir une malédiction, et en s’avançant officieusement pour aider le prélat à descendre de cheval. Vous êtes les bienvenus, mes frères, dignes compagnons d’un chef vénéré.

Les religieux mirent pied à terre, aidés par les valets d’Hartenbourg, et comblés de marques d’honneur de la part du comte lui-même et de ses amis. Lorsque les hommes de Dieu furent descendus de cheval, ils rendirent poliment toutes ces félicitations.

— Que la paix soit avec toi, mon fils, et avec ce chevalier et ce serviteur de l’Église ! dit le père Boniface, faisant rapide-