Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/96

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— Offert si tu le veux, noble Emich, cinquante tonneaux de cette douce liqueur qui échauffe maintenant nos cœurs d’une affection fraternelle. Il est donc convenu entre nous que, pour éviter à l’avenir tout motif de querelle, et soit pour garnir plus avantageusement nos caves, soit pour débarrasser la maison de Hartenbourg de tout impôt futur, il est convenu qu’il sera décidé cette nuit si le tribut sera porté à cent tonneaux ou à rien.

— Par Notre-Dame ! l’issue de ce procès est importante comme tout ce qui peut appauvrir ou enrichir  ! s’écria le chevalier de Rhodes.

— C’est comme cela que nous l’entendons, reprit le moine. C’est dans cette vue qu’un acte de dégrèvement, avec tous les sceaux nécessaires, a été préparé par un savant clerc d’Heidelberg. Ce contrat, dûment exécuté, ajouta le moine en tirant de son sein le parchemin en question, cède à Emich tous les droits de l’abbaye aux vignobles contestés, et il ne manque que le sceau de ses armes et son noble nom pour doubler leur valeur présente.

— Arrêtez ! s’écria le chevalier de Saint-Jean, dont l’intelligence commençait à devenir confuse, bien que la débauche ne fît que commencer ; voilà une affaire qui pourrait embarrasser le Grand-Turc, qui s’assied sur le trône même de Salomon ; Si vous renoncez à vos droits et que mon cousin consente à payer un double tribut, les deux parties ne feront qu’y perdre, et personne ne possédera le vin.

— Dans un moment de gaieté, on a décidé qu’il y aurait entre nous une épreuve amicale, et non pas un combat. C’est une question de vin, et il est convenu (que saint Benoît me pardonne s’il y a un péché dans cette folie !) d’essayer sur quel tempérament la liqueur contestée peut produire le plus de bien ou le plus de mal. Que le comte d’Hartenbourg donne à son contrat la force que nous avons déjà donnée au nôtre, et nous les laisserons l’un et l’autre dans un lieu d’observation. Alors, que celui qui se trouvera seul capable de se lever et de se saisir des deux, entonne le cri de victoire. Si le comte n’en a pas la force, et qu’un serviteur de l’Église se trouve capable de s’approprier les contrats, Emich alors ne songera plus à des terres qu’il aura gaiement perdues.

— Par Saint-Jean-de-Jérusalem, c’est une lutte inégale ! trois moines contre un pauvre baron dans une épreuve de tête !

— Nous avons trop de délicatesse pour faire une semblable