Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/110

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vaient exposés sur le lac, même dans la meilleure barque. L’obscurité ajoutait au danger ; car des navires, ayant mal calculé leur distance, s’étaient heurtés contre la terre. On alluma des feux le long du quai par l’ordre du bailli, qui manifesta un intérêt si peu ordinaire pour les passagers du Winkelried, qu’il leur attira de la part du peuple plus de sympathie que d’habitude pour des voyageurs en détresse. On fit en leur faveur tous les efforts ; et, au moment où l’état du lac le permit, on envoya des bateaux à leur secours dans toutes les directions possibles. Mais le Winkelried voguait le long des côtes de la Savoie vers lesquelles les bateaux n’osèrent pas se hasarder, et cette recherche fut inutile. Lorsqu’on sut cependant qu’on apercevait une voile sous l’abri des montagnes opposées, et qu’elle se dirigeait vers la Tour de Peil, village dont le havre était plus sûr que celui de Vevey, et à une portée de flèche de cette dernière ville, des flots de peuple se précipitèrent sur le rivage et, au moment où l’on apprit que la société tant désirée était à bord, les voyageurs furent reçus avec des cris de joie.

Le bailli et Roger de Blonay se précipitèrent en avant pour recevoir le baron de Willading et ses amis, qui furent conduits, avec une joie bruyante, jusqu’au vieux château qui touchait au port, et duquel ce dernier tirait son nom. Le noble Bernois était trop affecté des scènes qui venaient d’avoir lieu, et de la touchante tendresse d’Adelheid, qui avait pleuré sur lui comme une mère pleure sur un enfant retrouvé, pour recevoir les salutations de son ami avec la cordialité qui caractérisait ordinairement leur rencontre. Cependant leurs habitudes se montrèrent à travers le nuage de tristesse.

— Je viens d’être arraché aux poissons du lac Léman, mon cher Blonay, dit le baron en serrant la main de son ami et en s’appuyant sur son bras pour regagner le château ; sans ce brave jeune homme et le plus honnête marinier qui navigua jamais sur l’eau, soit fraîche, soit salée, tout ce qui reste du vieux Melchior de Willading serait dans ce moment de moindre valeur que la plus petite féra du lac.

— Dieu soit loué de ce que vous voilà maintenant ici ! nous craignions beaucoup, et des bateaux sont en ce moment à la recherche de votre barque mais il en a été ordonné autrement. Ce brave jeune homme, qui, je le vois, est en même temps Suisse et militaire, est doublement le bien-venu parmi nous sous les