Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/126

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de femme. Elle rit aussi à son tour, bien qu’elle répétât les mots de son père pour donner encore plus de poids aux siens.

— Cela ne s’arrangera pas ainsi, ma fille. Ceux qui professent les doctrines républicaines ne doivent pas être trop sévères sur les préjugés. Si Sigismond n’est pas noble, il n’est pas difficile d’obtenir pour lui cette distinction ; et, lorsque la ligne mâle s’éteindra dans notre famille, il pourra hériter de son nom et de ses honneurs. Dans tous les cas, il aura le droit de bourgeoisie, et cela seul suffit à Berne.

— À Berne, mon père ! répondit Adelheid, qui avait oublié son récent mouvement de fierté, et qui, comme les heureux, continuait de jouer avec ses propres sentiments. À Berne, il est vrai, la bourgeoisie suffit pour toutes les places ou priviléges politiques ; mais suffira-t-elle dans l’opinion de nos égaux, suivant les préjugés du monde, ou pour votre parfaite satisfaction, lorsque la ferveur de votre reconnaissance sera passée ?

— On dirait, ma fille, que tu veux combattre ta propre cause ; n’aimerais-tu donc pas ce jeune homme, après tout ?

— Je t’ai parlé franchement à ce sujet, comme il convenait à ta fille ; il a sauvé ma vie, ainsi qu’il a sauvé la tienne ; et, bien que ma tante, craignant ton mécontentement, me défendît de te raconter cette histoire, sa défense ne put arrêter ma gratitude. Je t’ai raconté que Sigismond avait déclaré ses sentiments quoiqu’il se soit noblement abstenu de demander du retour, et je n’aurais pas été la fille de ma mère si j’étais restée entièrement indifférente à tant de mérite et à un aussi grand service. Ce que j’ai dit de nos préjugés est plus pour aider tes réflexions, mon père, que pour moi-même. J’ai beaucoup pensé à tout cela, et je suis prête à sacrifier mon orgueil, et à supporter les réflexions malignes du monde, afin de payer une dette sacrée. Mais, s’il est naturel que je pense ainsi, il est naturel aussi que tu n’oublies pas non plus d’autres devoirs. Il est vrai que, sous un rapport, nous sommes tout l’un pour l’autre ; mais il existe un tyran qui ne veut pas que personne échappe à sa puissance ; je veux dire l’opinion. Ne nous trompons donc pas nous-mêmes : bien que, nous autres habitants de Berne, nous affections d’être républicains et que nous parlions beaucoup de liberté, nous ne sommes qu’un petit État, et ce sont les États plus grands et plus puissants de notre voisinage qui règlent chez nous tout ce qui a rapport à l’opinion. Un noble est aussi noble à Berne, excepté en tout ce