Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/140

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été le résultat, Adelheid avait maintenu une si grande réserve en maîtrisant ses sentiments, quoique les simples usages de la Suisse permissent aux filles de condition une plus grande liberté que dans d’autres pays, que Sigismond resta fixé à sa place, car il ne pouvait imaginer que le signe d’Adelheid fût pour lui. Adelheid vit son embarras, et fut obligée de recommencer ; le jeune homme s’avança sur la montée rapide comme porté sur l’aile du vent, et disparut derrière les murailles du château.

La barrière de réserve qu’Adelheid s’était depuis si longtemps imposée, et avec tant de succès, était maintenant franchie, et elle sentit que dans quelques minutes son sort allait être décidé. La nécessité de faire un long circuit, avant d’entrer dans la cour, lui accorda un peu de temps pour la réflexion, et elle en profita pour recueillir ses pensées et reprendre son empire sur elle-même.

Lorsque Sigismond entra dans la salle des Chevaliers, il trouva la jeune fille encore assise près du balcon de la fenêtre ouverte, pâle et sérieuse, mais parfaitement calme, et avec une expression de bonheur qu’il n’avait pas vue depuis longtemps sur son joli visage. Son premier sentiment fut celui du plaisir, en apercevant avec combien de force elle avait supporté les dangers et l’effroi de la nuit précédente. Il exprima ce plaisir avec la franchise admise par les usages de son pays.

— Ne vous ressentez-vous plus des fatigues de la nuit, Adelheid ? dit-il, étudiant avec anxiété le visage de la jeune fille, qui se sentait rougir.

— L’agitation de l’esprit est un bon remède pour les fatigues du corps, répondit Adelheid ; loin de souffrir de ce qui s’est passé, je me sens plus forte aujourd’hui que dans aucun temps depuis que nous avons quitté Willading. Cet air embaumé me semble être celui de l’Italie, et je ne vois pas la nécessité d’aller plus loin pour chercher ce qu’on dit m’être nécessaire, des distractions et un soleil chaud.

— Vous ne traverserez pas le Saint-Bernard ? s’écria Sigismond d’un air chagrin.

Adelheid sourit ; et il se sentit encouragé, quoique ce sourire fût équivoque. Malgré le caractère sincère de la jeune fille, et son extrême désir de débarrasser son cœur du fardeau qui l’oppressait, soit par ses habitudes de réserve, soit par son éducation, car nous ne savons à quoi attribuer sa faiblesse, elle se sentit tentée d’éviter une explication directe.