Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/157

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— Je consentirais à demander l’aumône pour en être délivré.

— Vous ne demanderez jamais l’aumône, tant qu’il y aura des biens dans la famille des Willading. N’importe ! quel que soit le résultat des autres événements, nous pouvons au moins faire cette dernière promesse.

— Mon épée m’empêchera toujours d’être dans la nécessité d’accepter les secours que vous m’offrez. Grâce à cette bonne épée, je puis avoir une existence honorable. Que la Providence m’épargne la honte de la changer pour la hache de l’exécuteur ! Mais il existe encore un obstacle dont je ne vous ai pas parlé. Ma sœur, qui n’a certainement aucune admiration pour les honneurs qui ont humilié notre race pendant de nombreuses générations, je pourrais dire des siècles, n’avons-nous pas d’anciens honneurs aussi bien que vous, Adelheid ? — ma sœur va être unie à un homme qui n’accepte la main d’une des plus aimables créatures de ce monde, qu’à la condition d’un secret éternel et d’une dot considérable. Vous voyez qu’il y a des personnes moins généreuses que vous, Adelheid. Mon père, pressé de disposer de sa fille, a consenti à tout ce qu’on lui demandait ; et, comme le parent qui doit lui succéder a quelques soupçons relativement à ma sœur, il se peut que je sois forcé un jour de me faire connaître, pour sauver l’enfant de ma sœur et l’héritage de ma mère.

Ce dernier aveu assaillit Adelheid dans ses sentiments les plus intimes. Une personne aussi généreuse, aussi dépourvue d’égoïsme, n’était pas capable de vouloir attirer sur une autre le sort qu’elle craignait pour elle-même, et l’espérance qui s’était ranimée dans son cœur fut presque éteinte par cette découverte. Cependant elle avait pris une si grande habitude de se laisser guider par le bon sens dont elle était douée, et il était si naturel qu’elle s’attachât jusqu’au dernier moment à la réussite de ses projets, qu’elle ne s’abandonna pas au désespoir.

— Votre sœur et son futur mari connaissent-ils toutes les chances qu’il y a contre eux ?

— Oui ; mais je connais la générosité de ma sœur, elle ne me trahira jamais pour servir ses intérêts. Cette abnégation d’elle-même m’impose l’obligation plus étroite encore de déclarer qui je suis, si les circonstances m’y forcent. Je ne puis pas dire que ma sœur éprouve autant d’horreur que moi-même de notre affreux état, car elle y est habituée depuis plus de temps, et les soins domestiques de son sexe l’ont préservée d’être exposée au mé-