Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/158

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pris du monde. Peut-être ignore-t-elle en partie tout l’odieux qui retombe sur notre famille. Mes longs services dans les pays étrangers ont éloigné la confidence qui m’a été faite, tandis que ma sœur, pour satisfaire à la tendresse d’une mère envers sa fille unique, fut reçue en secret dans la famille, plusieurs années avant que j’apprisse la vérité. Elle est aussi de beaucoup ma cadette. Toutes ces causes réunies à quelque différence dans notre éducation, l’ont moins disposée au malheur que moi. Car, tandis que mon père, par une cruelle bonté, me donnait une éducation libérale celle de Christine fut plus assortie à notre position. Maintenant, Adelheid, dites-moi que vous détestez mon origine et que vous me méprisez d’avoir osé si longtemps vous importuner de ma présence, tandis que j’avais constamment présente à la pensée l’impossibilité de notre union !

— Je n’aime pas vous entendre parler avec cette amertume, Sigismond, et croire ainsi que je vous rends responsable du malheur de votre destinée. Si je vous disais que je ne ressens pas ce qu’il y a de cruel dans votre position avec presque autant d’angoisse que vous-même, répondit Adelheid avec une noble franchise, je ferais injure à la reconnaissance que je vous dois, et à mon estime pour votre caractère. Mais il y a plus d’élasticité dans le cœur d’une femme que dans celui d’un sexe plus fier et plus impérieux. Loin de penser ce que vous dites, je ne vois rien que de naturel et de juste dans votre réserve. Rappelez-vous que vous n’avez pas séduit mon cœur par des protestations d’amour et des flatteries, comme on séduit ordinairement le cœur des femmes ; mais que l’intérêt que je vous porte a été modestement et justement acquis. Je ne puis rien entendre, ni rien dire de plus dans ce moment, car cette nouvelle inattendue a bouleversé mon esprit. Laissez-moi réfléchir à ce que j’ai à faire ; et soyez persuadé que vous ne pouvez pas avoir d’avocat plus partial et plus dévoué que mon propre cœur.

En prononçant ces mots, la fille du baron de Willading tendit la main avec affection au jeune soldat, qui la pressa sur son cœur, d’un air triste et tendre, et il quitta lentement la salle des Chevaliers.