Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/183

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deux volontés dans un ménage. Il n’y a pas dans cette ville un fripon qui ne s’imagine valoir mieux que Calvin, et il y en a beaucoup qui croient que, s’ils ne sont pas cardinaux, c’est simplement parce que l’église réformée n’aime pas les jambes enfermées dans des bas rouges. Par la parole d’un bailli, je ne voudrais pas être gouverneur d’une telle ville, même avec l’espérance de devenir un jour avoyer de Berne. Ici c’est différent : nous jouons nos rôles de dieux et de déesses comme des gens raisonnables ; et, quand tout est fini nous retournons presser nos grappes et compter nos troupeaux, comme de fidèles sujets du grand canton. Tout cela n’est-il pas juste, baron de Blonay ?

Roger de Blonay se mordit les lèvres, car ses ancêtres existaient depuis mille ans dans le comté de Vaud, et cette allusion sur la tranquillité avec laquelle ses compatriotes se soumettaient à une domination étrangère, ne lui plaisait pas beaucoup. Il s’inclina froidement en signe d’acquiescement, pensant qu’il n’était pas nécessaire de faire une réponse verbale.

— Voilà d’autres cérémonies qui réclament notre attention, dit Melchior de Willading, connaissant assez les opinions de son ami pour comprendre son silence.

Le premier groupe qui s’approcha était composé de ceux qui vivent du produit de la laiterie. Deux vachers conduisaient leurs vaches et le son monotone de deux lourdes clochettes formait un accompagnement champêtre à la musique qui se faisait entendre régulièrement à l’arrivée de chaque troupe. Un groupe de jeunes laitières, et de ces montagnards qui gardent les troupeaux dans les pâturages élevés, précédait une charrette chargée de tous les ustensiles de leur état. Dans cette petite procession, aucun détail n’avait été oublié. Le petit escabeau était attaché à la ceinture du vacher ; un autre tenait dans sa main un seau d’une forme toute particulière, tandis qu’un troisième portait sur son dos ce vase de bois large et profond qui sert à porter le lait à travers les précipices jusqu’aux chalets.

Lorsque cette troupe eut atteint le milieu de l’arène, les hommes commencèrent à traire les vaches, les filles à placer en ordre les différents produits de la laiterie, et tous s’unirent en chœur pour chanter le ranz des vaches du district. On croit généralement, mais c’est une erreur, qu’il existe un air particulier connu sous ce nom dans toute la Suisse, tandis que presque chaque canton a sa chanson des montagnes, dont l’air varie ainsi que les