Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/212

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Ceux qui étaient placés près du bailli se divertissaient en secret de la maladresse de ses bienveillants efforts, qu’une belle et spirituelle Vaudoise comparait aux sauts de ces célèbres animaux qu’on élève encore aujourd’hui dans la cité qui exerce tant d’influence sur le reste de la Suisse, et desquels une opinion généralement reçue fait dériver le nom commun à la ville et au canton. Car, tandis que la prépondérance de Berne se faisait pesamment sentir aux cantons inférieurs, comme c’est l’usage en pareil cas, ceux-ci se livraient à l’innocente vengeance de tourner leurs maîtres en ridicule. Cette critique et quelques autres du même genre n’empêchèrent pas le bailli d’être très-satisfait de la manière dont il avait joué son rôle dans cet épisode de la fête ; il se rassit avec la profonde conviction d’avoir mérité les applaudissements du peuple pour s’être uni de si bonne grâce à ses plaisirs, et avec l’espérance que cet acte de bonté pourrait effacer de leur souvenir une centaine de traits qui ne présentaient pas le même caractère d’harmonie et de bienveillance.

Le bailli se tint assez tranquille jusqu’au moment où Bacchus et son cortège entrèrent de nouveau sur la place ; dès qu’il aperçut le riant enfant assis sur son tonneau, il reprit ses dissertations avec cette confiance que nous inspire naturellement un sujet qui nous est familier.

— Voici le dieu de la liqueur par excellence, dit Peterchen (qui parlait à tous ceux qui voulaient bien l’écouter, quoique un instinct respectueux le portât à s’adresser de préférence au signor Grimaldi), comme le montre bien le siège qu’il occupe, et l’on danse autour de lui pour faire voir que le vin réjouit le cœur. — Ceci est une presse qui extrait ce jus précieux, et cette énorme grappe représente celle que les messagers de Josué rapportèrent de la terre de Canaan, qu’on les avait envoyés examiner ; histoire que sans doute, Signore, vous savez sur le bout du doigt ?

Gaëtano Grimaldi parut embarrassé : passablement instruit dans la mythologie païenne, il l’était très-médiocrement de l’histoire de la religion chrétienne ; il supposa d’abord que le bailli se trompait dans sa citation ; puis, en cherchant dans sa mémoire, il retrouva une faible trace de la vérité. Mais si sa réputation de savant échappa à un tel échec, il en fut uniquement redevable à quelques tableaux célèbres qu’il avait vus sur ce sujet, manière de connaître la Bible qui est très-commune parmi ceux qui habitent les pays catholiques de l’autre hémisphère.