Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/224

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larmes, car la terreur d’un affront public fit soudain place à la joie. Ceux qui venaient la secourir dans sa pénible épreuve étaient son père et sa mère ; ils s’avancèrent lentement vers elle, se placèrent à ses côtés, et osèrent alors jeter de furtifs et timides regards sur la multitude.

— Il est sans doute très-pénible pour des parents de se séparer d’une fille si belle et si soumise, reprit le stupide Peterchen qui était porté à attribuer toutes les émotions aux causes les plus vulgaires. Il se passe en eux de douloureux combats : d’un côté la nature, de l’autre les conditions du contrat et la marche de notre cérémonie. J’ai souvent moi-même de semblables faiblesses ; les cœurs les plus sensibles y sont exposés. Mais, mes enfants, c’est le public, et je ne puis pas trop m’abandonner à ce que je pourrais appeler des détails de sentiment ; autrement, par l’âme de Calvin ! je ne serais qu’un bailli ordinaire ! N’êtes-vous pas le père et la mère de cette charmante et modeste personne ?

— Nous le sommes, répondit doucement Balthazar.

— Vous devez être de Vevey ou de ses environs, si j’en juge par votre accent ?

— Du grand canton, mein herr : — cette réponse était exprimée en allemand, car ces districts resserrés possèdent presque autant de dialectes que de divisions territoriales ; — nous sommes étrangers dans le canton de Vaud.

— Il n’est pas moins heureux pour vous d’avoir marié votre fille à un Veveysan, et surtout sous les auspices de notre célèbre et généreuse abbaye. Je suis persuadé que votre enfant se trouvera bien de la complaisance avec laquelle elle s’est prêtée à nos cérémonies.

— Elle n’entrera pas sans dot dans la maison de son mari, répondit le père avec un plaisir mêlé de quelque orgueil ; car ceux à qui les chances de la vie ont laissé si peu de sources de satisfaction, sentent doublement le prix de celles qui ne leur ont pas été refusées.

— C’est bien ; vous êtes un bon, un digne couple ! et je ne doute pas que vos enfants ne vous ressemblent. Monsieur le notaire, nommez à haute voix ces braves gens afin d’entourer leur signature d’une formalité plus respectable.

— C’est impossible, répondit avec promptitude le fonctionnaire public, qui était nécessairement dans le secret de l’origine de