Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

excitée par ses préjugés, se pressait sur les hallebardes des soldats. Une mère a-t-elle quelque chose à dire pour la défense de son enfant insultée et outragée ? Pourquoi n’as-tu pas demandé aussi, herr Hofmeister, si j’étais une créature humaine ? Balthazar et moi, nous sommes d’une race proscrite, je le sais ; mais comme toi, orgueilleux bailli, comme le noble assis à tes côtés, nous sommes les enfants de Dieu ! L’opinion et le pouvoir des hommes pèsent sur nous depuis l’enfance, et nous sommes accoutumés aux dédains du monde comme à son injustice.

— Ne dites pas cela, bonne femme ; rien n’est plus nécessaire que la sanction de la loi. Vous parlez à présent contre vos intérêts, et je vous interromps par pure bienveillance ; il serait scandaleux de me voir siéger ici pour écouter une personne qui ose diffamer la loi elle-même.

— Je ne sais rien des subtilités de tes lois ; mais je connais bien leur cruauté et leurs crimes envers moi et les miens ! Toutes, créatures naissent avec l’espérance ; mais nous, nous sommes opprimés dès le berceau. Celui qui ôte l’espoir ne peut être un homme juste : le pécheur le plus coupable a droit d’espérer dans la miséricorde céleste ; et nous qui vivons sous tes lois, nous n’avons pas d’autre perspective que la honte et le mépris ! Mais non, vous êtes dans l’erreur, ma brave Dame ; ce privilége a d’abord été accordé à votre famille en récompense de ses bons services, je n’en doute pas, et pendant longtemps cet emploi a été considéré comme très-estimable.

— Je ne sais si, dans des siècles reculés, quand notre pays gémissait sous l’oppression, que les hommes du premier rang étaient aussi barbares que le sont aujourd’hui ceux du dernier, quelques-uns de nos ancêtres ont été assez cruels pour choisir de telles fonctions ; mais je nie qu’excepté celui qui tient l’univers dans sa main, et qui a l’éternité pour compenser les maux de cette vie, il existe un seul être qui ait le droit de dire à un fils : — Tu seras l’héritier du malheur de ton père !

— Comment ! vous mettez en question le système de l’hérédité bientôt vous discuterez les droits du Bürgerschaft.

— Je ne connais pas, herr bailli, les distinctions délicates de vos droits dans la cité, et je n’ai pas le projet de rien dire pour ou contre ; mais le mépris et l’amertume déversés sur l’existence entière inspirent de tristes rêveries et de profondes réflexions ; j’aperçois une grande distance entre la conservation de priviléges