Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/257

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résultats, qu’il est bien rare que les hommes le jugent avec une entière impartialité, la plus simple, la moins sanglante des victoires ou des défaites, qui ébranle ou consolide les intérêts d’une nation civilisée, étant toujours aux yeux du monde un événement bien plus important que les plus heureuses combinaisons de la pensée et de la valeur qui influent seulement sur le bien-être de quelque peuple éloigné et inconnu. En réfléchissant à cette vérité, on comprend combien il est précieux pour une nation de posséder une grande confiance en elle-même, une puissance étendue et une unité proportionnée avec ses moyens ; puisque des États faibles et divisés s’épuisent en vains exploits qui n’entrent pas dans la balance générale, et dissipent les richesses de leur intelligence aussi bien que leurs trésors et leur sang pour soutenir des intérêts qui n’éveillent aucune sympathie au-delà des limites resserrées de leur propre frontière. La nation, que des circonstances opposées, l’infériorité du nombre, la pénurie des ressources, le manque d’occasion ou de courage, empêchent de s’élever à une juste renommée, est dépourvue du premier et du plus indispensable élément de grandeur ; la gloire comme la fortune se nourrit d’elle-même, on la retrouve chez les peuples qu’elle a déjà comblés de ses dons. Cet exemple nous montre entre autres choses l’importance d’acquérir la fermeté de pensées qui nous rend capables de louer ou de blâmer ce qui se passe au milieu de nous, et de secouer cette soumission à un jugement étranger que nous sommes beaucoup trop portés à honorer du nom de déférence pour un goût plus exercé, mais qui en effet a quelque ressemblance avec cette défiance, cet abaissement de soi-même dont un valet fait parade quand il s’enorgueillit de la gloire de son maître.

Mais reprenons le récit dont cette courte digression nous a détourné pendant quelques instants. Nos voyageurs arrivaient à Martigny dans cette saison avancée, où personne parmi ceux qui en avaient les facultés, ne se serait aventuré dans les régions orageuses des Alpes supérieures, sans réclamer l’assistance d’un ou de plusieurs guides. Ces hommes savent se rendre utiles de plusieurs manières, mais surtout par les avis que leur longue habitude de l’état du ciel, de la température de l’air, et de la direction des vents les met à même de donner. Le baron de Willading et son ami envoyèrent sur-le-champ un message à un montagnard, nommé Pierre Dumont, qui était renommé par sa fidélité, et qui