Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/258

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passait pour être plus familiarisé avec les difficultés de la montée et de la descente qu’aucun de ceux qui parcouraient les vallons de cette portion des Alpes. À présent que la curiosité seule attire au couvent des centaines de voyageurs, chaque paysan d’une force ou d’une intelligence ordinaire, devient un guide, et la petite république du Bas-Valais trouve dans le passage continuel des hommes riches et oisifs une source de revenus si abondante, qu’elle a réglé tout ce qui s’y rapporte par des ordonnances très-justes et très-utiles mais à l’époque de notre histoire, ce Pierre était le seul habitant qui, favorisé par d’heureuses circonstances, avait obtenu un nom au près des étrangers distingués, et il était le seul qu’ils demandassent. Il ne tarda pas à se présenter dans la salle de l’auberge. – C’était un homme de soixante ans, vigoureux et frais encore, et qui conservait toutes les apparences de la santé et de la vigueur, mais avec une légère et presque imperceptible difficulté de respirer.

— N’es-tu pas Pierre Dumont ? demanda le baron qui observait avec plaisir la physionomie ouverte et la taille bien prise du Valaisan ; plus d’un voyageur a écrit ton nom dans son livre de souvenirs.

L’intrépide montagnard se redressa avec orgueil, et chercha à répondre au compliment avec une courtoisie brusque, mais franche ; car la politesse, avec sa finesse et ses détours, n’avait pas encore pénétré dans les vallées de la Suisse.

— Ils m’ont fait beaucoup d’honneur, Monsieur, dit-il, et la fortune m’a favorisé en me faisant traverser le Col avec tant de braves gentilshommes et de belles dames ; et deux fois avec des princes. (Quoique ferme républicain, Pierre n’était point insensible aux distinctions de rang.) Les pieux moines me connaissent et ceux que j’amène dans leur couvent n’y sont pas mal reçus. Je serai très-content de faire échanger à une si noble société ce froid vallon contre les coteaux dorés de l’Italie ; car pour parler franchement, la nature ne nous a pas placés sur le côté le plus agréable de la montagne, mais nous prenons notre revanche sur ceux qui habitent Turin ou même Milan, dans des matières de plus grande importance.

— Quelle peut être la supériorité d’un Valaisan sur les Lombards ou les Piémontais ? demanda vivement le signor Grimaldi, comme un homme curieux d’entendre la réponse ; un voyageur