Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/285

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sauver, et que les minutes avaient un prix inestimable ; les femmes, y compris Adelheid, furent placées entre deux hommes, et soutenues par eux, et Pierre donna, d’une voix haute et ferme, l’ordre de se remettre en marche. Les mules, déchargées de leur fardeau, étaient conduites derrière eux par un des muletiers. Mais, faibles comme l’étaient Adelheid et ses compagnes, avec la neige qui couvrait les pieds et la brise qui glaçait les visages, on ne pouvait avancer que lentement et avec une extrême difficulté, dans un sentier caillouteux, inégal, et dont la pente était escarpée. Mais le mouvement ranima la circulation du sang, et on eut bientôt l’espoir de rappeler à la vie ceux qui avaient le plus souffert. Pierre, qui restait à son poste avec la fermeté d’un montagnard et la fidélité d’un Suisse, les encourageait et continuait à leur donner l’espérance que le couvent n’était plus éloigné.

Dans le moment où il était le plus nécessaire de redoubler d’efforts, où tous paraissaient en sentir l’importance et y être disposés, l’homme chargé de conduire les mules déserta son poste, préférant la chance de regagner le village en descendant la montagne, à celle d’arriver au couvent par une route si pénible et si lente. C’était un étranger, employé par hasard dans cette expédition, et qui n’avait avec Pierre aucun de ces liens qui sont les meilleurs gages d’une fidélité inébranlable, en nous mettant au-dessus de l’intérêt personnel et de notre propre faiblesse. Les bêtes qui portaient les bagages, se trouvant libres ; en profitèrent d’abord pour s’arrêter ; puis elles se tournèrent de côté pour se soustraire à l’action du vent, et à la fatigue de monter et bientôt elles s’éloignèrent du sentier où il était nécessaire de rester.

Aussitôt que Pierre fut informé de cette circonstance, il donna l’ordre de tout faire pour rassembler ces animaux sans le moindre délai. Ce devoir n’était pas facile à remplir par des hommes troublés et à demi engourdis, et qui ne distinguaient aucun objet au-delà de quelques toises ; mais les mules portaient les effets de tous les voyageurs ; chacun d’eux se mit à leur poursuite, et après dix minutes de délai, passées dans une agitation qui rendit quelque chaleur à leur sang et éveilla les facultés même des femmes, on reprit toutes les mules, on les attacha à la file l’une de l’autre, suivant la manière usitée pour conduire ces animaux, et Pierre se disposa à se remettre en route. Mais il ne fut plus