Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/294

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ral, d’aller plus loin : le guide, les deux gentilhommes, et enfin tous les autres voyageurs les entourèrent ; mais aucun avis, aucun encouragement des montagnards ne put décider les chiens à quitter leur place.

— Sommes-nous donc perdus de nouveau ? demanda le baron de Willading, pressant Adelheid sur son cœur palpitant, et près de se livrer à la résignation du désespoir. Dieu nous a-t-il abandonnés ? — Ma fille ! — Mon enfant bien-aimée !

Cette touchante expansion fut suivie d’un hurlement d’Uberto, qui, au même instant, s’élança et disparut. Neptune courut sur ses traces en aboyant avec force. Pierre n’hésita pas à les suivre, et Sigismond, pensant que son projet était de s’opposer à leur fuite, fut aussitôt près de lui. Maso montra plus de calme.

— Neptune n’est pas capable d’aboyer ainsi, s’il n’avait devant lui que la grêle, la neige et le vent, dit l’Italien dont le sang-froid ne se démentait pas, ou bien nous sommes près d’une autre bande de voyageurs ; je sais qu’il y en a sur la montagne.

— Que Dieu nous en préserve ! En êtes-vous bien sûr ? demanda le signor Grimaldi, observant que Maso s’était arrêté tout à coup.

— Sûrement, Signore, il y en avait d’autres, reprit le marin après avoir réfléchi et paraissant peser chacune de ses paroles. Mais voici notre chien fidèle avec Pierre et le capitaine ; ils nous apportent des nouvelles, bonnes ou mauvaises.

Ils joignirent leurs amis comme Maso cessait de parler, et se hâtèrent de leur apprendre que le refuge tant désiré était près d’eux, et que la nuit et la blancheur de la neige les empêchaient seules de l’apercevoir.

— Saint Augustin lui-même a sans doute inspiré aux saints moines la pensée d’élever cet abri, s’écria Pierre qui ne jugeait plus nécessaire de cacher l’étendue du danger qu’ils avaient couru. Je n’aurais pas répondu d’avoir la force de gagner l’hospice par un temps semblable. Vous êtes sûrement de l’église mère, Signore, puisque vous êtes Italien ?

— Je suis un de ses indignes enfants, répondit le Génois.

— Cette insigne faveur, si peu méritée, nous sera venue des prières de saint Augustin ou d’un vœu que j’ai fait d’envoyer une belle offrande à Notre-Dame d’Ensiedlen ; car jamais je n’ai vu un chien du Saint-Bernard conduire les voyageurs à la maison de refuge ! Leur emploi est de découvrir l’homme enfoui dans les neiges, et de guider les vivants vers l’hospice. Vous