Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/299

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avec précaution dans une chambre qui avait la tristesse et l’obscurité d’une caverne, et aussi timidement que le lièvre jette ses regards autour de lui avant de sortir de sa retraite. Quatre personnes, le dos appuyé contre la muraille, reposaient sous cette voûte. Elles dormaient profondément, car les jeunes filles surprises les regardèrent longtemps, et elles ne s’éveillèrent pas.

— Nous n’avons pas été seules sur la montagne pendant cette nuit terrible, murmura Adelheid en entraînant la tremblante Christine hors de ce lieu ; vous voyez que d’autres voyageurs sont venus chercher ici du repos, probablement après des fatigues et des dangers semblables à ceux que nous avons courus.

Christine s’approcha de son amie plus expérimentée, comme les petits d’une colombe se rapprochent de leur mère lorsqu’ils abandonnent leur nid pour la première fois, et elles retournèrent à la hutte qu’elles avaient quittée, car le froid était assez intense pour les inviter à chercher un abri. Elles rencontrèrent Pierre à la porte ; ce vieillard matinal s’était éveillé aussitôt que le jour avait frappé ses yeux.

— Nous ne sommes pas seuls ici, dit Adelheid en montrant l’habitation couverte de pierres qu’elles venaient de quitter. Il y a des voyageurs qui dorment dans cet autre bâtiment.

— Leur sommeil sera long, Madame, répondit le guide en secouant la tête d’un air solennel. Pour deux d’entre eux, il dure déjà depuis un an. L’autre est là depuis l’avalanche des derniers jours d’avril.

Adelheid recula, car ces paroles étaient trop claires pour n’être pas comprises. Après avoir regardé sa douce compagne, elle demanda si ceux qu’elles avaient vus étaient des voyageurs qui avaient péri sur la montagne.

— Oh ! mon Dieu ! oui, Madame, répondit Pierre. Cette hutte est pour les vivants, celle-là pour les morts. La mort et la vie sont aussi proches l’une de l’autre pour des hommes qui voyagent dans ces rochers sauvages pendant l’hiver. J’ai connu des voyageurs qui ont passé ici une nuit courte et agitée, pour ensuite dormir là d’un sommeil éternel avant la fin du jour. Un de ceux que vous avez vus était un guide comme moi ; il fut enterré sous les neiges dans l’endroit où le sentier quitte la plaine du Vélan, au-dessous de nous. Un autre est un pèlerin qui périt par la nuit la plus claire qui brilla jamais sur le Saint-Bernard, et simplement parce qu’il avait un peu trop bu pour égayer sa route. Un