Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/306

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plus régulières. On n’eut pas plus tôt soupçonné un acte de violence que le bon frère quêteur prit tous les moyens nécessaires pour rendre authentiques les renseignements qu’on pouvait se procurer avec certitude.

On établit promptement l’identité du corps avec celui de Jacques Colis, petit propriétaire du canton de Vaud. Ce fait fut non seulement attesté par plusieurs des voyageurs mais Jacques Colis était aussi connu d’un des muletiers, duquel il avait loué une mule qui devait être laissée à Aoste, et l’on doit aussi se rappeler qu’il avait été vu par Pierre à Martigny tandis qu’il faisait des arrangements pour son voyage à travers la montagne. On ne trouvait pas d’autres traces de mule que l’empreinte de quelques pas tout autour du bâtiment, mais ils pouvaient être également attribués à celles qui attendaient les voyageurs. La manière dont ce malheureux avait cessé d’exister n’admettait aucune contestation. Il avait plusieurs blessures sur le corps, et un couteau ressemblant à ceux dont les voyageurs d’une classe ordinaire faisaient alors usage, était resté enfoncé dans son dos, de manière à rendre impossible le soupçon d’un suicide. Les vêtements indiquaient une lutte, car ils étaient déchirés et salis, mais rien n’avait été dérobé. On trouva un peu d’or dans les poches, et il y en avait assez pour détruire la première impression que Jacques Colis avait été assassiné par des voleurs.

— Cela est surprenant, s’écria le bon frère quêteur en remarquant cette dernière circonstance. L’appât qui conduit tant d’âmes en enfer a été dédaigné, tandis que le sang humain a été répandu ! Cela semble un acte de vengeance plutôt qu’un acte de cupidité. Maintenant examinons si nous pouvons trouver quelques signes qui nous indiquent le lieu de cette tragédie.

Cette recherche fut inutile. Tout ce pays n’étant composé que de rocs ferrugineux, il n’aurait pas été facile de découvrir la marche d’une armée par la trace de ses pas. On ne découvrit nulle part la trace du sang, excepté dans le lieu où le cadavre avait été découvert. Le bâtiment lui-même ne fournissait aucune preuve particulière de la scène sanglante dont il avait été témoin. Les os de ceux qui étaient morts depuis longtemps reposaient sur les pierres, il est vrai, brisés et épars ; mais comme les curieux entraient souvent dans ce lieu, et maniaient ces tristes restes de l’humanité, il n’y avait rien de nouveau dans leur situation.