Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous arrêter sur la douleur que lui causa cette nouvelle. Après quelques moments d’une cruelle angoisse, il réfléchit à la nécessité de faire connaître cette nouvelle à sa sœur aussi promptement que possible.

On attendait à chaque instant l’arrivée des voyageurs, et il courait le risque que Christine apprît cette affreuse nouvelle par un autre que par lui ; aussitôt qu’il eut repris assez d’empire sur lui-même pour entreprendre ce devoir, il demanda une audience à Adelheid.

Mademoiselle de Willading fut frappée de la pâleur et de l’air agité de Sigismond, dès le premier regard qu’elle jeta sur lui.

— Cette découverte inattendue vous a bien affecté, Sigismond, dit-elle en souriant et en tendant la main au jeune soldat ; car elle pensait que dans les circonstances présentes, le sentiment et la sincérité devaient faire place à une froide cérémonie. — Votre sœur est tranquille, sinon heureuse.

— Elle ne sait pas toute l’affreuse vérité ; elle va en apprendre tout à l’heure la plus cruelle partie, Adelheid. On a trouvé un homme caché parmi les morts, et on suppose qu’il est l’assassin de Jacques Colis ?

— Un autre ! dit Adelheid en pâlissant ; nous sommes donc environnés d’assassins !

— Non, cela ne peut pas être. Je connais trop le caractère de mon pauvre père et sa bonté naturelle ; sa tendresse pour tous ceux qui l’entouraient ; son horreur à la vue du sang, même lorsqu’il remplissait ses odieuses fonctions.

— Sigismond, votre père !

Le jeune homme fit entendre un gémissement, et cachant sa tête entre ses mains, il se laissa tomber sur son siège. Adelheid commença à deviner l’effrayante vérité, avec ses causes et ses conséquences. Tombant elle-même sur un siège, et glacée d’horreur, elle regarda longtemps en silence le jeune soldat dont les mouvements avaient quelque chose de convulsif. Il lui sembla que la Providence, pour quelque grand dessein secret, les visitait dans sa plus terrible colère, et qu’une famille maudite depuis tant de générations était sur le point de voir combler la mesure de tous ses maux. Cependant son noble cœur ne changea pas. Au contraire ses desseins secrets et si longtemps chéris acquirent plus de force par cet appel soudain à ses qualités généreuses, et jamais sa résolution de dévouer sa vie, son