Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/372

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et pour faciliter à Sigismond les moyens d’être reconnu de sa famille, j’avais placé secrètement parmi les bagages les effets qui m’ont été donnés par le criminel. Ils sont maintenant dans le couvent.

Le vénérable prince fut saisi d’une violente agitation ; il éprouvait en même temps la crainte que ses plus chères espérances ne fussent anéanties, et le plus grand désir de consulter ces témoins muets, mais sincères.

— Qu’on me les montre ! qu’on me les montre, et que je les examine ! dit-il vivement, et d’une voix étouffée, à tous ceux qui l’entouraient. Puis, s’adressant à l’immuable Maso, il lui demanda : Et toi, homme de sang et de mensonge, qu’as-tu à répondre à la vérité ?

Il Maledetto sourit, comme s’il était supérieur à la faiblesse qui avait aveuglé tous les assistants. Son expression était remplie de ce calme que donne la certitude opposée au doute.

— J’ai à vous dire, signor et honoré père, répondit-il froidement, que Balthazar a fort bien arrangé une fort ingénieuse histoire. Doge de Gènes, je suis Bartolo Contini.

— Il dit la vérité, répondit le prince en courbant la tête. Oh Melchior, je n’ai en que trop de preuves de ce que j’avance ! Je suis certain depuis longtemps que ce misérable Bartolo est mon fils, quoique jamais jusqu’ici je n’eusse été affligé de sa présence ; et je le trouve encore plus coupable que mes craintes ne me l’avaient dépeint !

— N’est-ce pas quelque mensonge ? N’avez-vous pas été dupe de quelque conspiration qui avait l’argent pour but ?

Le doge secoua la tête, comme pour assurer qu’il ne pouvait pas se flatter de cette espérance.

— Non, toutes mes offres d’argent ont été refusées.

— Pourquoi prendrais-je l’or de mon père ? ajouta Il Maledetto ; mon courage et mon adresse sont plus que suffisants pour mes besoins.

La nature de cette réponse et le maintien assuré de Maso produisirent un moment de silence embarrassant.

— Qu’ils s’avancent tous deux, et qu’ils soient confrontés, dit le frère quêteur : la nature révèle souvent la vérité lorsque la science des hommes est en défaut ; nous trouverons peut-être dans les traits du fils véritable quelque ressemblance avec ceux de son père.