Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/138

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battu dans une discussion de ce genre, surtout par un Monikin ? Je me souvins toutefois de l’éléphant, et je me décidai à faire un nouvel effort, à l’aide de ses puissantes défenses, avant d’abandonner la partie.

— Je suis porté à croire, docteur Reasono, repris-je presque sur-le-champ, que vos savants n’ont pas été heureux en invoquant, à l’appui de leur théorie, l’exemple de l’éléphant. Cet animal, tout en étant une masse de chair, est doué de trop d’intelligence pour pouvoir jamais passer pour un lourdaud ; il a non seulement une, mais ou pourrait presque dire, deux queues.

— C’est là son plus grand malheur, Monsieur. La matière, dans cette grande lutte qu’elle a soutenue contre l’esprit, a suivi le principe de diviser pour triompher. Vous êtes plus près de la vérité que vous ne l’imaginiez ; car la trompe de l’éléphant n’est que l’avorton d’une queue, et cependant, vous le voyez, elle renferme presque toute l’intelligence que possède l’animal. Quant à la destinée de l’éléphant, toutefois, l’expérience vient à l’appui de la théorie. Vos géologues et vos naturalistes ne parlent-ils pas des restes d’animaux qu’on ne retrouve plus parmi les êtres vivants ?

— Assurément, Monsieur, le mastodonte, le mégathérium, l’igneumon et le plésiosaurus.

— Et ne trouvez-vous pas aussi des traces évidentes d’incorporations de matières animales avec la pierre ?

— C’est encore un fait incontestable.

— Ces phénomènes, comme vous les appelez, ne sont que le réceptacle final dans lequel la nature a déposé les créatures chez qui la matière a parfaitement triomphé de l’esprit, son rival. Dès que la volonté est entièrement éteinte, l’être cesse de vivre ; ce n’est plus un animal. Il retombe entièrement dans les premiers éléments de la matière. Le travail de décomposition et d’incorporation est plus long ou plus court, suivant les circonstances, et les débris fossiles, dont vos écrivains parlent tant, ne sont que des cas où la décomposition finale a été arrêtée par un obstacle accidentel. Pour ce qui tient à nos deux espèces, un rapide examen de leurs qualités respectives suffit pour convaincre tout esprit sincère de la vérité de notre philosophie. Ainsi, la partie physique chez l’homme est bien plus considérable, proportionnellement à la partie spirituelle, qu’elle ne l’est chez le Monikin,