Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/140

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de prix aux qualités physiques qu’aux qualités morales : en un mot, bien des signes annoncent que l’époque de la libération finale et du grand développement de vos cerveaux n’est pas bien éloignée : c’est ce que je vous accorde bien volontiers ; car, si l’on ne doit pas mépriser les principes de vos écoles, j’admets de tout mon cœur que vous êtes nos semblables, quoique dans un état moins relevé et plus voisin de l’enfance.

— Nom d’un roi !

Ici le docteur Reasono annonça qu’il avait besoin de prendre un peu de repos pour se rafraîchir. Je me retirai avec le capitaine Poke, pour conférer un instant avec mon compagnon d’humanité, sur les circonstances particulières sous l’empire desquelles nous étions placés, et lui demander son opinion sur ce qui avait été dit. Noé protesta en jurant contre quelques-unes des conclusions du philosophe monikin, déclarant qu’il n’aurait pas de plus grand plaisir au monde que de l’entendre disserter dans les rues de Stonington, où, assurait-il, une pareille doctrine ne serait soufferte que pendant le temps nécessaire pour empoigner un harpon ou pour charger un fusil. Du moins il ne doutait pas que le docteur ne fût immédiatement chassé à coups de pieds jusqu’à Rhode-Island, sans autre cérémonie.

— Quant à cela, ajouta le vieux marin indigné, je n’aurais pas de plus grand plaisir que d’obtenir la permission de lancer, à pleines voiles, l’orteil de mon pied droit contre la partie où est implantée la queue si chérie de ce malotru. Cela le mettrait bien vite à la raison. Pour ce qui est de sa cauda, si vous voulez m’en croire, sir John, j’ai vu sur les côtes de Patagonie un homme, un sauvage assurément, et non un philosophe, comme le prétend ce drôle, — qui avait un agrès de ce genre, aussi long que le mât d’artimon d’un vaisseau. Et qu’était-ce après tout ? ce n’était qu’un pauvre diable qui ne savait pas distinguer un loup marin d’un grampus.

Cette assertion du capitaine Poke releva notablement mon courage : dépouillant ma peau de bison, je le priai d’avoir la bonté d’examiner avec soin les localités vers l’extrémité de l’épine dorsale, pour s’assurer si l’on ne pouvait y découvrir quelques signes encourageants. Le capitaine Poke mit ses lunettes ; car l’âge avait forcé le vieux marin à en faire usage, comme il le disait, toutes les fois qu’il avait occasion de lire des caractères un peu fins, et