Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/150

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« Que l’assemblée défie la neige, la stérilité, et tous les autres fléaux de la nature ;

« Que nous vivrons éternellement ;

« Que désormais nous irons nus, comme le moyen le plus efficace de narguer le froid ;

« Que nous sommes maintenant sur la partie la plus mince de l’enveloppe de la terre dans les régions polaires ;

« Que dorénavant aucun Monikin ne pourra être promu à un emploi public, s’il ne prend l’engagement d’éteindre tous ses feux, et de se dispenser de faire la cuisine ;

« Que nous sommes animés d’un véritable esprit de patriotisme, de raison et de fermeté ;

« Que l’assemblée s’ajourne sine die, indéfiniment. »


Cette dernière disposition venait à peine d’être votée par acclamation, quand la nature se leva dans toute sa puissance, et se vengea amplement de tant d’outrages. La grande chaudière de la terre se brisa avec un fracas épouvantable, emportant en débris non seulement M. John Jaw et tous ses partisans, mais encore quarante mille milles carrés de territoire. Trente secondes après l’explosion, tout avait disparu près de l’horizon septentrional, avec une rapidité supérieure à celle d’un boulet de canon qui vient de partir.

— Nom d’un roi ! s’écria Noé, voilà des gaillards qui cinglent plus vite qu’ils qu’auraient voulu !

— Et n’entendit-on plus jamais parler de M. Jaw et de ses compagnons, mon bon docteur ?

— Jamais d’une manière bien certaine. Quelques-uns de nos naturalistes prétendent que les singes qui fréquentent les autres parties de la terre sont leurs descendants ; que l’effet du choc a été de leur enlever la faculté de raisonner, bien qu’ils conservent encore quelques faibles traces de leur origine. C’est là l’opinion la plus accréditée parmi nos savants ; et nous sommes dans l’usage de distinguer toute l’espèce humaine des singes par le nom de Monikins perdus. Depuis ma captivité, le hasard m’a mis en relation avec quelques-uns de ces animaux qui étaient également sous la dépendance de ces cruels Savoyards ; et en conversant avec eux pour m’informer de leurs traditions et reconnaître les analogies de langage, j’ai été amené à penser que cette opinion n’est pas sans quelque fondement.