Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/151

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— Et de grâce, docteur Reasono, que devinrent les quarante mille milles carrés de territoire ?

— Oh ! sur ce point, nous avons des renseignements plus précis ; car un de nos vaisseaux, qui avait été au loin vers le nord pour une expédition de découvertes, les rencontra sous le 2e degré de longitude de Leaphigh, et le 6e de latitude sud ; et l’on sut par lui que diverses îles avaient déjà été formées par des fragments qui étaient tombés ; et, d’après la direction que prenait la masse principale au moment où on l’aperçut pour la dernière fois, d’après la fertilité de cette partie du monde, et diverses preuves géologiques, nous estimons que le grand archipel occidental en est le résidu.

— Et pour la région monikine, Monsieur, quelle fut la conséquence de ce phénomène ?

— Les conséquences furent terribles, sublimes et durables. Parlons d’abord des plus importantes, que je nommerai conséquences personnelles. Un tiers de l’espèce monikine périt échaudée ; un grand nombre contractèrent des asthmes et d’autres maladies du poumon en respirant la vapeur. La plupart des ponts furent emportés par de soudaines avalanches, et d’immenses quantités de provisions furent gelées tout à coup. Voilà pour les conséquences fâcheuses. Quant aux résultats agréables, nous mettons en première ligne l’amélioration notable du climat, qui reprit en grande partie son caractère distinctif, et l’élongation rapide et distincte de nos caudœ, par une subite acquisition de sagesse.

Voici maintenant quels furent les résultats secondaires ou terrestres : par suite de la force et de la rapidité avec laquelle tant de vapeur s’élança dans l’espace, trouvant une issue à quelques degrés du pôle, la terre fut renversée de sa position perpendiculaire, et resta fixée sur son axe ayant une inclinaison de 23° 27 au plan de son orbite. En même temps, le globe commença à se mouvoir dans le vide, et, retenu par des attractions contraires, à accomplir ce qu’on appelle sa révolution annuelle.

— Je comprends à ravir, ami Reasono, observa Noé, que la terre ait donné à la bande par suite d’une bouffée si soudaine, bien qu’un vaisseau convenablement lesté se fût relevé de plus belle après la bourrasque ; mais je ne comprends pas qu’un peu de vapeur qui s’échappe par un petit trou puisse la faire aller du train dont nous voyons qu’elle voyage.