Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/228

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— Comme vous tirez les places au sort, Monsieur, permettez-moi de vous demander si vous avez autant de places que de citoyens ?

— Oui, certainement, Monsieur. Les places se divisent d’abord en deux grandes classes, qu’on appelle classe de dedans et classe de dehors. Ceux qui peuvent prendre position sur la ligne la plus populaire occupent les premières, et tout le reste est naturellement pour les autres. Cependant il est bon de vous expliquer que les places de la première classe sont les seules qui soient désirables. Comme on a soin de maintenir une division à peu près égale de société…

— Pardon, si je vous interromps, mais comment cela peut-il se faire ?

— Comme il n’y a qu’un certain nombre de Monikins qui puissent prendre toutes les positions dont je vous ai parlé, nous regardons tous ceux qui n’ont pas complètement réussi comme ayant échoué, et après être restés quelque temps inutilement sur leurs talons, ils finissent par se jeter invariablement sur la seconde classe, puisqu’il vaut mieux être le premier dans un village que le second dans Rome. C’est ainsi que nous maintenons une sorte d’équilibre dans l’État, ce qui, comme vous devez le savoir, est indispensable à la liberté. La minorité se contente des places de la classe de dehors, et celles de la classe de dedans sont laissées pour la majorité. Vient ensuite une autre subdivision en places d’honneur et en places de profit. Les places d’honneur, qui composent les neuf dixièmes de celles de la classe de dedans, se partagent avec la plus grande impartialité parmi ceux qui ont pris position sur la ligne la plus forte, et qui en général se contentent de la gloire qui suit la victoire. Les noms des autres sont mis dans les roues, et sont tirés ensuite d’après le principe rotatoire.

— Et les patriotes, Monsieur ? Sont-ils compris dans ce tirage au hasard ?

— Tout au contraire. En récompense de leurs dangers, leurs noms sont mis dans une petite roue particulière, car ils sont eux-mêmes obligés de se soumettre au principe rotatoire. La seule différence qu’il y ait entre leur situation et celle des autres, c’est qu’ils sont toujours sûrs d’avoir quelque chose.

J’aurais volontiers continué une conversation qui jetait des flots de lumière sur mon intelligence politique ; mais en ce moment