Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/288

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que, par le moyen d’une invention semblable, il se trouve une ligne de démarcation tracée dans l’eau, pour indiquer les limites de la juridiction de chaque État. Ainsi, l’espace qui se trouvait du côté de Leaphigh, en deçà de cette ligne, faisait partie de ce royaume ; tout l’intervalle entre cette ligne et celle qui marquait les limites de Leaplow, formait ce qu’on appelle la haute mer ; et la partie contenue au-delà de cette dernière ligne appartenait à cette république.

Avec un vent favorable, il nous fallut près de douze heure pour arriver à la ligne de démarcation des possessions du royaume de Leaphigh ; nous fûmes ensuite deux jours pour atteindre celle de la république de Leaplow, et nous voguâmes encore une demi-journée avant d’entrer dans le port. Lorsque nous approchâmes de la frontière légale de Leaphigh, nous vîmes plusieurs petits schooners, excellents voiliers, qui couraient des bordées près de la ligne de la juridiction de Leaphigh, mais en dehors, et qui, nous ayant vus de loin, nous attendaient évidemment. L’un d’eux nous aborda précisément à l’instant où le bout de notre gui de heaume entrait dans la haute mer. L’Ami du Peuple se précipita sur le côté du navire, et, avant que l’équipage de la barque eût eu le temps de monter à bord, il s’assura qu’on avait mis le nombre ordinaire de lots dans la petite roue.

Un Monikin, dont la queue avait été coupée de très-près, et qui par conséquent paraissait s’être soumis à la seconde amputation, ce qui lui valait, ainsi qu’à tous ceux dans le même cas, le surnom de coupe-sur-coupe, monta sur le tillac, et demanda s’il y avait à bord quelques émigrants. Nous nous présentâmes à lui, et nous lui apprîmes le motif de notre voyage. Quand nous lui dîmes que notre séjour dans son pays serait probablement fort court, il fut évidemment désappointé :

— Messieurs, dit-il, vous resterez peut-être assez longtemps pour désirer d’être naturalisés.

— Il est toujours agréable de se trouver chez soi en pays étranger, répondis-je ; mais n’y a-t-il pas des obstacles légaux ?

— Je n’en vois aucun, Monsieur. — Vous n’avez pas de queue, à ce que je crois ?

— Du moins nous n’en avons que dans nos malles. Mais je ne sais pas si la circonstance que nous sommes d’une espèce différente de la vôtre ne serait pas un obstacle.