Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/297

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— Nous ne le croyons pas à Leaplow. Il peut se présenter des cas dans lesquels un pareil ordre de choses aurait lieu par suite d’une réaction ; mais les réactions impliquent des abus, et l’on ne doit pas les citer pour appuyer un principe. Celui qui était ivre hier peut avoir besoin aujourd’hui d’un stimulant contre nature ; mais celui qui est habitué à la tempérance maintient le ton convenable de son corps, sans avoir besoin d’un remède si dangereux. Un tel événement pourrait avoir lieu après une forte provocation, mais il serait presque impossible qu’il arrivât deux fois chez un même peuple, et il n’arrivera même jamais chez le peuple qui se soumet à temps à une juste division de son autorité, puisqu’il détruit évidemment le grand principe de la civilisation. Toutes les histoires des Monikins prouvent que toutes les attaques contre les propriétés n’ont eu lieu que parce que ceux qui les possédaient ont voulu avoir plus qu’il ne leur était légitimement dû. Si vous faites du pouvoir politique le compagnon indispensable des propriétés, ils pourront certainement marcher ensemble ; mais si vous les tenez séparés, le danger des propriétés ne sera jamais plus grand que celui que leur font courir tous les jours les manœuvres de ceux qui veulent gagner de l’argent à tout prix, et qui sont, par le fait, les plus grands ennemis des propriétés qui appartiennent aux autres.

Je me souvins de sir Joseph Job, et je ne pus m’empêcher de m’avouer à moi-même qu’il y avait du moins quelque vérité dans ce que disait le brigadier.

— Mais niez-vous, lui dis-je, que le sentiment intime de la richesse qu’on possède, élève l’âme, l’ennoblisse et la purifie ?

— Je ne prétends pas décider de l’effet qu’il peut produire parmi les hommes ; mais, nous autres Monikins, nous pensons que l’amour de l’argent est la source de tous les maux.

— Quoi ? Monsieur ! comptez-vous pour rien l’éducation, qui est une des suites de la richesse ?

— Si vous voulez dire, mon cher sir John, ce genre d’éducation que donne le plus souvent la richesse, nous l’appelons égoïsme ; mais si vous entendez établir comme une règle que celui qui a de l’argent aura l’instruction nécessaire pour bien se conduire, je vous répondrai que ce n’est pas ce que nous apprend l’expérience qui vaut mille théories. Nous trouvons que sur les questions qui intéressent ceux qui ont et ceux qui n’ont pas, les