Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/322

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un étourdissement et tombe, il ne peut que se rompre le cou. De plus, il tombera au milieu de nous ; et, s’il n’est pas mort, nous pourrons le saisir et le lancer à son poste ; ou bien en envoyer un meilleur à sa place pour servir le reste de son temps. Ils prétendent aussi qu’une poutre soutenue par tous les citoyens est beaucoup moins sujette à glisser, que trois, soutenues par trois pouvoirs de forces très-incertaines, pour ne pas dire très-inégales.

Telle est, en effet, la substance des respectives allégories nationales de Leaphigh et de Leaplow : je dis allégories, parce que les deux gouvernements semblent confier à cette forme ingénieuse le soin d’exprimer leurs plus grands sentiments nationaux. Ce serait en effet un perfectionnement, si l’on adoptait à l’avenir ce genre de style pour toutes les constitutions : elles seraient plus explicites, plus intelligibles et plus sacrées qu’elles ne le sont par l’essai actuel du système libéral.

Après avoir développé les principes politiques de ces deux importants États, je prie le lecteur d’accorder un moment d’attention à quelques détails de leur modus operandi.

Leaphigh reconnaît un principe que Leaplow repousse, c’est celui de primogéniture. Étant fils unique, Je n’ai eu nulle occasion de me livrer à aucune recherche sur cet intéressant sujet, et j’ai ignoré les bases de ce droit singulier jusqu’au moment où j’ai lu l’ouvrage de Whiterock[1], le grand commentateur de Leaphigh, sur les règles du pacte social. J’avais appris que le premier-né, en considérant la chose sous le point de vue moral, est jugé avoir de meilleurs droits aux honneurs de l’arbre généalogique, du côté paternel, que n’en ont les enfants qui naissent à une époque plus tardive de la vie conjugale. D’après ce principe d’une si haute sagesse, le trône, les privilèges des nobles, et tous les autres droits, se transmettent de père en fils dans la ligne masculine, suivant la primogéniture.

Rien de semblable n’existe à Leaplow. Là, les derniers et les premiers nés sont également présumés légitimes, et les usages s’accordent avec cette croyance. Comme il n’y a pas de chef héréditaire qui puisse s’asseoir sur une jambe du grand trépied, le peuple qui est au bas de la poutre choisit, à des époques périodiques, l’un de ses propres membres, qu’on nomme le grand

  1. Roc blanc.