Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/364

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trois grandes méthodes de contrôler les affaires de l’État monikin, c’est-à-dire celle d’un seul, puis celle de quelques-uns, puis enfin celle du grand nombre.

— La même classification existe précisément parmi les hommes, m’écriai-je.

— Quelques-unes de nos améliorations suivent, il est vrai, une pente rétrograde ; mais le crépuscule suit aussi bien qu’il précède le passage du soleil, reprit le brigadier avec un calme parfait. Nous pensons qu’il s’en faut de peu que le plus grand nombre de ces améliorations ne balance le mal, tout en étant loin de croire celles-là même sans tache. En admettant que les inconvénients soient égaux dans les trois systèmes (ce que nous n’accordons pas néanmoins, persuadés que le nôtre est le meilleur), il est prouvé que celui qui se compose d’une grande partie de la nation échappe à une source abondante d’oppression et d’injustice, en étant dispensé des précautions onéreuses que la faiblesse est obligée de prendre contre la force.

— Ceci est l’opposé d’une opinion très-répandue parmi les hommes, Monsieur ; ils soutiennent d’ordinaire que la tyrannie d’un grand nombre est la pire de toutes.

— On le croit ainsi simplement, à l’étranger, parce que le l’on n’a pas pu se peindre lui-même. Si la cruauté a le plus souvent la lâcheté pour compagne, l’oppression est neuf fois sur dix le résultat de la faiblesse. Il est naturel qu’un homme tremble devant cent ; il ne l’est pas que cent en redoutent un seul. Il s’ensuit que, sous les régimes où le pouvoir est entre les mains de la multitude, certains principes fondés sur le droit naturel sont, par le fait, ouvertement reconnus, et il est rare, en vérité, que les actes publics ne soient pas plus ou moins influencés par eux ; d’un autre côté, l’action du petit nombre exige que ces mêmes vérités soient ou éludées ou complètement étouffées, et la conséquence est l’injustice.

— Mais, en admettant toutes vos maximes, brigadier, en ce qui regarde le nombre des gouvernants, vous devez aussi reconnaître qu’ici, dans votre bien-aimé Leaplow elle-même, les Monikins consultent leurs propres intérêts ; et c’est, après tout, adopter le principe fondamental du grand système social de l’Europe.

— Ils pensent sans doute que les biens du monde doivent être la pierre de touche de la puissance politique. Vous devez vous