Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/79

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tion, au lieu d’avoir ce prudent respect pour les conséquences sociales, qui est le but des désirs inquiets du législateur.

La lettre d’Anna était conçue en ces termes :

« Mon bon, mon cher John,

« J’ai reçu hier votre lettre ; voici la cinquième réponse que je commence ; vous voyez donc que je ne vous écris pas sans réflexion. Je connais votre excellent cœur, John, mieux que vous ne le connaissez vous-même. Il vous a conduit à la découverte d’un secret de la plus grande importance pour vos semblables, ou il vous a cruellement égaré. Une épreuve si noble et si digne déloges ne doit pas s’abandonner par suite d’un doute momentané sur sa réussite. Ne vous arrêtez pas dans votre essor à l’instant où vous vous êtes élevé si près du soleil. Si nous le jugeons convenable à notre bonheur mutuel, je puis vous épouser dans un temps plus éloigné. Nous sommes encore jeunes, et notre union n’a rien d’urgent. Pendant ce temps, je chercherai à me préparer à être la compagne d’un philanthrope, en mettant en pratique votre théorie, et à étendre le cercle de mes affections pour me rendre digne d’être la femme d’un homme qui prend un intérêt si étendu à la société, et qui aime tant de monde sincèrement.

« Votre imitatrice et votre amie
sans changement,
« Anna Etherington. »

« P. S. Vous pouvez voir que je fais des progrès, car je viens de refuser la main de lord Max-Dee, parce que j’ai trouvé que j’aimais ses voisins autant que lui. »

Dix mille furies prirent possession de mon âme sous la forme d’autant de démons de jalousie. — Anna étendant le cercle de ses affections ! — Anna s’apprenant à aimer d’autres êtres que moi ! — Une pareille idée était capable de me faire perdre la raison. Je doutai de la sincérité de son refus de lord Max-Dee. Je pris à la hâte un exemplaire de la pairie d’Angleterre, car depuis mon élévation j’avais acheté cet ouvrage ainsi que la liste des baronnets, et je cherchai la page qui contenait son nom ; — je vis que