Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/86

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à moins que ce ne soit pour le laisser en arrière. Nous avons des gens qui sont tout gros de leur géométrie et de leur astronomie, mais ce sont des fils qui sont trop minces pour moi ; ma manière, quand je veux aller quelque part, est de bien me mettre l’endroit dans la tête, et ensuite de m’y rendre par la ligne la plus directe possible, sans me mettre en peine des cartes, qui vous mettent sur la mauvaise voie aussi souvent que sur la bonne ; et quand elles vous trompent, vous êtes capot. Comptez sur vous et sur la nature humaine, c’est ma méthode, quoique je convienne qu’il est quelquefois à propos de consulter la boussole, surtout quand il fait froid.

— Quand il fait froid ! je ne comprends pas bien cette distinction.

— Sur ma foi, il me semble qu’on n’a pas le flaire si bon quand il gèle, quoiqu’il soit possible que ce ne soit qu’une idée après tout ; car les deux fois que j’ai fait naufrage, c’était pendant l’été, et ces deux accidents arrivèrent par la force du vent et en plein jour, quand rien ne pouvait nous sauver qu’un changement de vent.

— Et vous préférez cette espèce particulière de navigation ?

— À toutes les autres, et particulièrement pour la pêche des veaux marins, qui est ma principale occupation ; c’est le meilleur moyen du monde pour découvrir des îles ; et chacun sait que nous autres, capitaines de bâtiments pêcheurs, nous avons toujours le nez en l’air pour de semblables découvertes.

— Me permettrez-vous de vous demander, capitaine Poke, combien de fois vous avez doublé le cap Horn ?

Mon navigateur me regarda comme si ma question lui eût déplu.

— Ce n’est pas ce dont il s’agit. Qu’importe si j’ai doublé tel ou tel cap ? Peut-être oui, peut-être non. J’entre dans la mer du Sud avec mon bâtiment ; peu importe comment j’y arrive. Une peau ne perd rien de son prix, parce que le fourreur ne peut donner le glossaire du chemin par où elle est arrivée.

— Le glossaire ?

— Qu’importe de quels mots on se sert, commodore, quand on s’entend l’un l’autre ? Ce voyage par terre m’a mis aux expédients, car vous saurez que j’ai eu à voyager à travers des pays dont les naturels ne peuvent dire un mot d’une langue raison-